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rement avec celles de sainte Thérèse et de Fénelon, avec celles de plusieurs Pères et de quelques saints, qui de nos jours seraient traités d’hérésiarques et d’athées. Il était impassible durant les offices. Sa prière procédait par des élancements, par des élévations d’âme qui n’avaient aucun mode régulier ; il se laissait aller en tout à la nature, et ne voulait pas plus prier que penser à heure fixe. Souvent, à la chapelle, il pouvait aussi bien songer à Dieu que méditer sur quelque idée philosophique. Jésus-Christ était pour lui le plus beau type de son système. Le : Et verbum caro factum est ! lui semblait une sublime parole destinée à exprimer la formule traditionnelle de la Volonté, du Verbe, de l’Action se faisant visibles. Le Christ ne s’apercevant pas de sa mort, ayant assez perfectionné l’être intérieur par des œuvres divines pour qu’un jour la forme invisible en apparût à ses disciples, enfin les mystères de l’Évangile, les guérisons magnétiques du Christ et le don des langues lui confirmaient sa doctrine. Je me souviens de lui avoir entendu dire à ce sujet que le plus bel ouvrage à faire aujourd’hui était l’Histoire de l’Église primitive. Jamais il ne s’élevait autant vers la poésie qu’au moment où il abordait, dans une conversation du soir, l’examen des miracles opérés par la puissance de la Volonté pendant cette grande époque de foi. Il trouvait les plus fortes preuves de sa Théorie dans presque tous les martyres subis pendant le premier siècle de l’Église, qu’il appelait la grande ère de la pensée. — « Les phénomènes arrivés dans la plupart des supplices si héroïquement soufferts par les chrétiens pour l’établissement de leurs croyances ne prouvent-ils pas, disait-il, que les forces matérielles ne prévaudront jamais contre la force des idées ou contre la Volonté de l’homme ? Chacun peut conclure de cet effet produit par la volonté de tous, en faveur de la sienne. » Je ne crois pas devoir parler de ses idées sur la poésie et sur l’histoire, ni de ses jugements sur les chefs-d’œuvre de notre langue. Il n’y aurait rien de bien curieux à consigner ici des opinions devenues presque vulgaires aujourd’hui, mais qui, dans la bouche d’un enfant, pouvaient alors paraître extraordinaires. Louis était à la hauteur de tout. Pour exprimer en deux mots son talent, il eût écrit Zadig aussi spirituellement que l’écrivit Voltaire ; il aurait aussi fortement que Montesquieu pensé le dialogue de Sylla et d’Eucrate. La grande rectitude de ses idées lui faisait désirer avant tout, dans une œuvre, un caractère d’utilité ; de même que son esprit fin y exigeait la