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même pour notre nature, et nommait cet antagonisme vital : l’action et la réaction. — Un désir, disait-il, est un fait entièrement accompli dans notre Volonté avant de l’être extérieurement. Ainsi, l’ensemble de nos Volitions et de nos Idées constituait l’Action, et l’ensemble de nos actes extérieurs, la Réaction. Lorsque, plus tard, je lus les observations faites par Bichat sur le dualisme de nos sens extérieurs, je fus comme étourdi par mes souvenirs, en reconnaissant une coïncidence frappante entre les idées de ce célèbre physiologiste et celles de Lambert. Morts tous deux avant le temps, ils avaient marché d’un pas égal à je ne sais quelles vérités. La nature s’est complu en tout à donner de doubles destinations aux divers appareils constitutifs de ses créatures, et la double action de notre organisme, qui n’est plus un fait contestable, appuie par un ensemble de preuves d’une éventualité quotidienne les déductions de Lambert relativement à l’Action et à la Réaction. L’être actionnel ou intérieur, mot qui lui servait à nommer le species inconnu, le mystérieux ensemble de fibrilles auquel sont dues les différentes puissances incomplétement observées de la Pensée, de la Volonté ; enfin cet être innommé voyant, agissant, mettant tout à fin, accomplissant tout avant aucune démonstration corporelle, doit, pour se conformer à sa nature, n’être soumis à aucune des conditions physiques par lesquelles l’être réactionnel ou extérieur, l’homme visible est arrêté dans ses manifestations. De là découlaient une multitude d’explications logiques sur les effets les plus bizarres en apparence de notre double nature, et la rectification de plusieurs systèmes à la fois justes et faux. Certains hommes ayant entrevu quelques phénomènes du jeu naturel de l’être actionnel, furent, comme Swedenborg, emportés au delà du monde vrai par une âme ardente, amoureuse de poésie, ivre du principe divin. Tous se plurent donc, dans leur ignorance des causes, dans leur admiration du fait, à diviniser cet appareil intime, à bâtir un mystique univers. De là, les anges ! délicieuses illusions auxquelles ne voulait pas renoncer Lambert, qui les caressait encore au moment où le glaive de son Analyse en tranchait les éblouissantes ailes.

— Le Ciel, me disait-il, serait après tout la survie de nos facultés perfectionnées, et l’Enfer le néant où retombent les facultés imparfaites.

Mais comment, en des siècles où l’entendement avait gardé les