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Henri II. Catherine inventa ce jeu de bascule politique imité depuis par tous les princes qui se trouvèrent dans une situation analogue, en opposant tour à tour les Calvinistes aux Guise, et les Guise aux Calvinistes. Après avoir opposé ces deux religions l’une à l’autre, au cœur de la nation, Catherine opposa le duc d’Anjou à Charles IX. Après avoir opposé les choses, elle opposa les hommes en conservant les nœuds de tous leurs intérêts entre ses mains. Mais à ce jeu terrible, qui veut la tête d’un Louis XI ou d’un Louis XVIII, on recueille inévitablement la haine de tous les partis, et l’on se condamne à toujours vaincre, car une seule bataille perdue vous donne tous les intérêts pour ennemis ; si toutefois, à force de triompher, vous ne finissez pas par ne plus trouver de joueurs.

La majeure partie du règne de Charles IX fut le triomphe de la politique domestique de cette femme étonnante. Combien d’adresse Catherine ne dut-elle pas employer pour faire donner le commandement des armées au duc d’Anjou sous un roi jeune, brave, avide de gloire, capable, généreux et en présence du connétable Anne de Montmorency ! Le duc d’Anjou eut, aux yeux des politiques de l’Europe, l’honneur de la Saint-Barthélemi, tandis que Charles IX en eut tout l’odieux. Après avoir inspiré au roi une feinte et secrète jalousie contre son frère, elle se servit de cette passion pour user dans les intrigues d’une rivalité fraternelle les grandes qualités de Charles IX. Cypierre, le premier gouverneur, et Amyot, le précepteur de Charles IX, avaient fait de leur élève un si grand homme, ils avaient préparé un si beau règne, que la mère prit son fils en haine le premier jour où elle craignit de perdre le pouvoir après l’avoir si péniblement conquis.

Sur ces données, la plupart des historiens ont cru à quelque prédilection de la reine-mère pour Henri III ; mais la conduite qu’elle tenait en ce moment prouve la parfaite insensibilité de son cœur envers ses enfants. En allant régner en Pologne, le duc d’Anjou la privait de l’instrument dont elle avait besoin pour tenir Charles IX en haleine, par ces intrigues domestiques qui jusqu’alors en avaient neutralisé l’énergie en offrant une pâture à ses sentiments extrêmes. Catherine fit alors forger la conspiration de La Mole et de Coconnas où trempait le duc d’Alençon qui, devenu duc d’Anjou par l’avènement de son frère, se prêta très-complaisamment aux vues de sa mère en déployant une ambition qu’encourageait sa sœur Marguerite, reine de Navarre. Cette conspiration, alors arrivée au