Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 16.djvu/106

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Godefroid, le vit gisant comme une masse informe, aperçut une longue corde serrée à son cou et qui serpentait à terre. Quand il l’eut dénouée, l’enfant ouvrit les yeux.

— Où suis-je, demanda-t-il avec une expression de plaisir.

— Chez vous, dit le vieillard en regardant avec surprise le cou de Godefroid, le clou auquel la corde avait été attachée, et qui se trouvait encore au bout.

— Dans le ciel, répondit l’enfant d’une voix délicieuse.

— Non, sur la terre ! répliqua le vieillard.

Godefroid marcha dans la ceinture de lumière tracée par la lune à travers la chambre dont le vitrail était ouvert, il revit la Seine frémissante, les saules et les herbes du Terrain. Une nuageuse atmosphère s’élevait au-dessus des eaux comme un dais de fumée. À ce spectacle pour lui désolant, il se croisa les mains sur la poitrine et prit une attitude de désespoir ; le vieillard vint à lui, l’étonnement peint sur la figure.

— Vous avez voulu vous tuer ? lui demanda-t-il.

— Oui, répondit Godefroid en laissant l’étranger lui passer à plusieurs reprises les mains sur le cou pour examiner l’endroit où les efforts de la corde avaient porté.

Malgré de légères contusions, le jeune homme avait dû peu souffrir. Le vieillard présuma que le clou avait promptement cédé au poids du corps, et que ce fatal essai s’était terminé par une chute sans danger.

— Pourquoi donc, cher enfant, avez-vous tenté de mourir ?

— Ah ! répondit Godefroid ne retenant plus les larmes qui roulaient dans ses yeux, j’ai entendu la voix d’en haut ! Elle m’appelait par mon nom ! Elle ne m’avait pas encore nommé ; mais cette fois, elle me conviait au ciel ! Oh ! combien cette voix est douce ! — Ne pouvant m’élancer dans les cieux, ajouta-t-il avec un geste naïf, j’ai pris pour aller à Dieu la seule route que nous ayons.

— Oh, enfant, enfant sublime ! s’écria le vieillard en enlaçant Godefroid dans ses bras et le pressant avec enthousiasme sur son cœur. Tu es poète, tu sais monter intrépidement sur l’ouragan ! Ta poésie, à toi, ne sort pas de ton cœur ! Tes vives, tes ardentes pensées, tes créations marchent et grandissent dans ton âme. Va, ne livre pas tes idées au vulgaire ? sois l’autel, la victime et le prêtre tout ensemble ! Tu connais les cieux, n’est-ce pas ? Tu as vu ces myriades d’anges aux blanches plumes, aux sistres d’or qui