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ven et Rossini, beaux génies qui certes ont produit une musique plus perfectionnée que celle de leurs devanciers, gens dont le génie d’ailleurs est incontestable. Les vieux maîtres chantaient au lieu de disposer de l’art et de la science, noble alliance qui permet de fondre en un tout les belles mélodies et la puissante harmonie. Or, si la découverte des lois mathématiques a donné ces quatre grands musiciens, où n’irions-nous pas si nous trouvions les lois physiques en vertu desquelles (saisissez bien ceci) nous rassemblons, en plus ou moins grande quantité, suivant des proportions à rechercher, une certaine substance éthérée, répandue dans l’air, et qui nous donne la musique aussi bien que la lumière, les phénomènes de la végétation aussi bien que ceux de la zoologie ! Comprenez-vous ? Ces lois nouvelles armeraient le compositeur de pouvoirs nouveaux en lui offrant des instruments supérieurs aux instruments actuels, et peut-être une harmonie grandiose comparée à celle qui régit aujourd’hui la musique. Si chaque son modifié répond à une puissance, il faut la connaître pour marier toutes ces forces d’après leurs véritables lois. Les compositeurs travaillent sur des substances qui leur sont inconnues. Pourquoi l’instrument de métal et l’instrument de bois, le basson et le cor, se ressemblent-ils si peu tout en employant les mêmes substances, c’est-à-dire les gaz constituants de l’air ? Leurs dissemblances procèdent d’une décomposition quelconque de ces gaz, ou d’une appréhension des principes qui leur sont propres et qu’ils renvoient modifiés, en vertu de facultés inconnues. Si nous connaissions ces facultés, la science et l’art y gagneraient. Ce qui étend la science étend l’art. Eh ! bien, ces découvertes, je les ai flairées et je les ai faites. Oui, dit Gambara en s’animant, jusqu’ici l’homme a plutôt noté les effets que les causes ! S’il pénétrait les causes, la musique deviendrait le plus grand de tous les arts. N’est-il pas celui qui pénètre le plus avant dans l’âme ? Vous ne voyez que ce que la peinture vous montre, vous n’entendez que ce que le poëte vous dit, la musique va bien au delà : ne forme-t-elle pas votre pensée, ne réveille-t-elle pas les souvenirs engourdis ? Voici mille âmes dans une salle, un motif s’élance du gosier de la Pasta, dont l’exécution répond bien aux pensées qui brillaient dans l’âme de Rossini quand il écrivit son air, la phrase de Rossini transmise dans ces âmes y développe autant de poëmes différents : à celui-ci se montre une femme longtemps rêvée, à celui-là je ne sais quelle rive le long de