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der une terre qui relève de la couronne, il faut être catholique pour s’asseoir à la table du roi, n’est-ce pas, Pinard ?

Le secrétaire d’État parut en montrant des lettres-patentes.

— Si nous ne sommes pas ici tous catholiques, dit le petit roi, Pinard jettera tout au feu ; mais nous sommes tous catholiques ici ? reprit-il en jetant des yeux assez fiers sur toute l’assemblée.

— Oui, sire, dit Christophe Lecamus en fléchissant quoique avec peine le genou et baisant la main que le jeune roi lui tendit.

La reine Catherine, qui tendit aussi sa main à Christophe, le releva brusquement et, l’emmenant à quelques pas dans un coin, lui dit : — Ah ! çà, mon garçon, pas de finauderies ? Nous jouons franc jeu !

— Oui, madame, reprit-il saisi par l’éclatante récompense et par l’honneur que lui faisait cette reine reconnaissante.

— Hé ! bien, mons Lecamus, le roi mon fils et moi nous vous permettons de traiter de la charge du bonhomme Groslay, conseiller au Parlement, que voici, dit la reine. Vous y suivrez, j’espère, jeune homme, les errements de monsieur le Premier.

De Thou s’avança et dit : — Je réponds de lui, madame.

— Eh ! bien, instrumentez, garde-notes, dit Pinard.

— Puisque le roi notre maître nous fait la faveur de signer le contrat de ma fille, s’écria Lallier, je paie tout le prix de la seigneurie.

— Les dames peuvent s’asseoir, dit le jeune roi d’une façon gracieuse. Pour présent de noces à l’accordée, je fais, avec l’agrément de ma mère, remise de mes droits.

Le vieux Lecamus et Lallier tombèrent à genoux et baisèrent la main du jeune roi.

— Mordieu ! sire, combien ces bourgeois ont d’argent ! lui dit Gondi à l’oreille.

Le jeune roi se prit à rire.

— Leurs seigneuries étant dans leurs bonnes, dit le vieux Lecamus, veulent-elles me permettre de leur présenter mon successeur et lui continuer la patente royale de la fourniture de leurs maisons ?

— Voyons, dit le roi.

Lecamus lit avancer son successeur qui devint blême.

— Si ma chère mère le permet, nous nous mettrons tous à table, dit le jeune roi.