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sur le même échafaud, à Amboise ? Un enfant, le petit d’Aubigné, a dit en voyant cette boucherie : Ils ont haché la France !

— Vous devez recevoir tous les coups et n’en pas porter, telle est la religion de l’Évangile, répondit Christophe. Mais, pour imiter les Catholiques, à quoi bon réformer l’Église ?

— Oh ! Christophe, ils t’ont fait avocat, et tu raisonnes ! dit Chaudieu.

— Non, mon ami, répondit l’avocat. Mais les princes sont trop ingrats, et vous serez, vous et les vôtres, les jouets de la maison de Bourbon…

— Oh ! Christophe, si tu avais entendu Calvin, tu saurais que nous les manions comme des gants !… Les Bourbons sont les gants, nous sommes la main.

— Lisez ! dit Christophe en présentant au ministre la réponse de Pibrac.

— Oh ! mon enfant, tu es ambitieux, tu ne peux plus te dévouer !… je te plains !

Chaudieu sortit sur cette belle parole.

Quelques jours après cette scène, Christophe, la famille Lallier et la famille Lecamus étaient réunis, en l’honneur des accordailles de Babette et de Christophe, dans la vieille salle brune où Christophe ne couchait plus ; car il pouvait alors monter les escaliers et commençait à se traîner sans béquilles. Il était neuf heures du soir, on attendait Ambroise Paré. Le notaire de la famille se trouvait devant une table chargée de contrats. Le pelletier vendait sa maison et son fonds de commerce à son premier commis, qui payait immédiatement la maison quarante mille livres, et qui engageait la maison pour répondre du paiement des marchandises sur lesquelles il donnait déjà vingt mille livres en à-compte.

Lecamus acquérait pour son fils une magnifique maison en pierre bâtie par Philibert de l’Orme, rue Saint-Pierre-aux-Bœufs, et la lui donnait en dot. Le syndic prenait en outre deux cent cinquante mille livres sur sa fortune, et Lallier en donnait autant pour l’acquisition d’une belle terre seigneuriale sise en Picardie, de laquelle on avait demandé cinq cent mille livres. Cette terre étant dans la mouvance de la couronne, il fallait des lettres-patentes, dites de rescription, accordées par le roi, outre le paiement de lods et ventes considérables. Aussi la conclusion du mariage était-elle ajournée jusqu’à l’obtention de cette faveur royale.