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En ce moment, François II se plaignit de douleurs violentes à l’oreille et se mit à geindre d’un ton lamentable. Le médecin quitta la cheminée où il se chauffait et vint examiner l’état de la tête.

— Hé ! bien, monsieur ? dit le Grand-Maître en s’adressant au premier médecin.

— Je n’ose prendre sur moi d’appliquer un cataplasme pour attirer les humeurs. Maître Ambroise a promis de sauver le roi par une opération, je la contrarierais.

— Remettons à demain, dit froidement Catherine, et que tous les médecins y soient, car vous savez les calomnies auxquelles donne lieu la mort des princes.

Elle alla baiser la main de son fils et se retira.

— Avec quelle tranquillité cette audacieuse fille de marchand parle de la mort du dauphin empoisonné par Montecuculli, un Florentin de sa suite ! s’écria la reine Marie Stuart.

— Marie ! cria le petit roi, mon grand-père n’a jamais mis son innocence en doute !…

— Peut-on empêcher cette femme de venir demain ? dit la reine à ses deux oncles à voix basse.

— Que deviendrions-nous, si le roi mourait ? répondit le cardinal, Catherine nous ferait rouler tous dans sa tombe.

Ainsi la question fut nettement posée pendant cette nuit entre Catherine de Médicis et la maison de Lorraine. L’arrivée du chancelier et celle du connétable indiquaient une révolte, la matinée du lendemain allait donc être décisive.

Le lendemain, la reine-mère arriva la première. Elle ne trouva dans la chambre de son fils que la reine Marie Stuart, pâle et fatiguée, qui avait passé la nuit en prières auprès du lit. La duchesse de Guise avait tenu compagnie à la reine, et les filles d’honneur s’étaient relevées. Le jeune roi dormait. Ni le duc, ni le cardinal n’avaient encore paru. Le prêtre, plus hardi que le soldat, déploya, dit-on, dans cette dernière nuit, toute son énergie, sans pouvoir décider le duc à se faire roi. En face des États-Généraux assemblés, et menacé d’une bataille à livrer au connétable de Montmorency, le Balafré ne trouva pas les circonstances favorables ; il refusa d’arrêter le roi de Navarre, la reine-mère, le chancelier, le cardinal de Tournon, les Gondi, Ruggieri et Birague, en objectant le soulèvement qui suivrait des mesures si violentes. Il subordonna les projets de son frère à la vie de François II.