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Robertet fit un signe de tête à un capitaine qui attendait une réponse au bas de l’escalier, et se retourna vivement pour écouter les ordres du cardinal.

— Monseigneur, je prends la liberté, dit-il en faisant encore un effort, de représenter que la sentence doit être approuvée par le roi en son conseil. Si vous violez la loi pour un prince du sang, on ne la respectera ni pour un cardinal, ni pour un duc de Guise.

— Pinard t’a dérangé, Robertet, dit sévèrement le cardinal. Ne sais-tu pas que le roi a signé l’arrêt, le jour où il est sorti pour nous le laisser exécuter !

— Quoique vous me demandiez à peu près ma tête en me commettant à cet office, qui sera d’ailleurs exécuté par le prévôt de la ville, j’y vais, monseigneur.

Le Grand-Maître entendit ce débat sans sourciller ; mais il prit son frère par le bras et l’emmena dans un coin de la salle.

— Certes, lui dit-il, les héritiers de Charlemagne ont le droit de reprendre une couronne qui fut usurpée par Hugues Capet sur leur maison ; mais le peuvent-ils ? La poire n’est pas mûre. Notre neveu se meurt, et toute la cour est chez le roi de Navarre.

— Le cœur a failli au roi. Sans cela, le Béarnais eût été dagué, reprit le cardinal, et nous aurions eu bon marché de tous les enfants.

— Nous sommes mal placés ici, dit le duc. La sédition de la ville serait appuyée par les États. L’Hospital, que nous avons tant protégé, et à l’élévation duquel a résisté la reine Catherine, est aujourd’hui contre nous, et nous avons besoin de la justice. La reine-mère est soutenue par trop de monde aujourd’hui, pour que nous puissions la renvoyer… D’ailleurs, encore trois princes !

— Elle n’est plus mère, elle est toute reine, dit le cardinal ; aussi, selon moi, serait-ce le moment d’en finir avec elle. De l’énergie et encore de l’énergie ! voilà mon ordonnance.

Après ce mot, le cardinal rentra dans la chambre du roi, suivi du Grand-Maître. Ce prêtre alla droit à Catherine.

— Les papiers de La Sagne, secrétaire du prince de Condé, vous ont été communiqués, vous savez que les Bourbons veulent détrôner vos enfants ? lui dit-il.

— Je sais tout cela, répondit l’Italienne.

— Hé ! bien, voulez-vous faire arrêter le roi de Navarre ?

— Il y a, dit-elle, un lieutenant-général du royaume.