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votre fils, qui sera mis demain sur le passage du prince, le reconnaît, ou si le prince reconnaît votre fils, la tête de monsieur de Condé sautera. Dieu sait ce qui adviendra de son complice ! Rassurez-vous. Ni votre fils ni le prince ne seront mis à mort, j’ai fait leurs thèmes, ils doivent vivre ; mais j’ignore par quels moyens ils se tireront d’affaire. Sans compter la certitude de mes calculs, nous allons y mettre ordre. Demain le prince recevra par des mains sûres un livre de prières où nous lui ferons passer un avis. Dieu veuille que votre fils soit discret, car il ne sera pas prévenu, lui ! Un seul regard de connaissance coûtera la vie au prince. Aussi, quoique la reine-mère ait tout lieu de compter sur la fidélité de Christophe…

— On l’a mise à de rudes épreuves ! s’écria le pelletier.

— Ne parlez pas ainsi ! Croyez-vous que la reine soit à la noce ? Aussi va-t-elle prendre des mesures comme si les Guise avaient résolu la mort du prince ; et bien fait-elle, la sage et prudente reine ! Or, elle compte sur vous pour être aidée en toute chose. Vous avez quelque influence sur le Tiers-État, où vous représentez les corps de métiers de Paris, et quoique les guisards vous promettent de mettre votre fils en liberté, tâchez de les trupher, et soulevez votre Ordre contre les Lorrains. Demandez la reine-mère pour régente, le roi de Navarre y consentira demain publiquement à la séance des États.

— Mais le roi ?

— Le roi mourra, répondit Ruggieri, j’ai dressé son thème. Ce que la reine vous demande de faire pour elle aux États est tout simple ; mais elle attend de vous un plus grand service. Vous avez soutenu dans ses études le grand Ambroise Paré, vous êtes son ami…

— Ambroise aime aujourd’hui le duc de Guise plus qu’il ne m’aime, et il a raison, il lui doit sa charge ; mais il est fidèle au roi. Aussi, quoiqu’il incline à la Réforme, ne fera-t-il rien contre son devoir.

— Peste soit de ces honnêtes gens ! s’écria le Florentin. Ambroise s’est vanté ce soir de tirer le petit roi d’affaire. Si le roi recouvre la santé, les Guise triomphent, les princes meurent, la maison de Bourbon sera finie, nous retournerons à Florence, votre fils est pendu, et les Lorrains auront bon marché des autres enfants de France…