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nébreux intérêts qui se croisaient à la cour depuis l’ouverture des États, afin de trouver un moyen de sauver son fils. Il ne devait pas songer à la reine Catherine, qui refusa de voir son pelletier. Aucune des personnes de la cour qu’il put voir ne lui donna de nouvelles satisfaisantes sur son fils, et il en était arrivé à un tel degré de désespoir, qu’il allait s’adresser au cardinal lui-même, quand il sut que M. de Thou avait accepté, ce qui fait une tache à sa vie, d’être un des juges du prince de Condé. Le syndic alla voir le protecteur de son fils, et apprit que Christophe était encore vivant, mais prisonnier.

Le gantier Tourillon, chez qui La Renaudie avait envoyé Christophe, avait offert dans sa maison une chambre au sieur Lecamus pour tout le temps de la durée des États. Le gantier croyait le pelletier secrètement attaché, comme lui, à la religion réformée ; mais il vit bientôt qu’un père qui craint pour les jours de son fils ne comprend plus les nuances religieuses, et se jette à corps perdu dans le sein de Dieu, sans se soucier de l’écharpe que lui mettent les hommes. Le vieillard, repoussé dans toutes ses tentatives, allait comme un hébété par les rues ; contre ses prévisions, son or ne lui servait à rien ; monsieur de Thou l’avait prévenu que s’il corrompait quelque serviteur de la maison de Guise, il en serait pour son argent, car le duc et le cardinal ne laissaient rien transpirer de ce qui regardait Christophe. Ce magistrat, dont la gloire est un peu ternie par le rôle qu’il jouait alors, avait essayé de donner quelque espérance au père désolé ; mais il tremblait tellement lui-même pour les jours de son filleul, que ses consolations alarmèrent davantage le pelletier. Le vieillard rôdait autour de la maison. En trois mois, il avait maigri. Son seul espoir, il le plaçait dans la vive amitié qui depuis longtemps l’unissait à l’Hippocrate du seizième siècle. Ambroise essaya de dire un mot à la reine Marie en sortant de la chambre du roi ; mais dès qu’il eut nommé Christophe, la fille des Stuarts, irritée à la perspective de son sort s’il arrivait malheur au roi, et qui le crut empoisonné par les Réformés, à cause de l’opportune soudaineté de sa maladie, répondit : — Si mes oncles m’écoutaient, un pareil fanatique serait déjà pendu ! Le soir où cette funeste réponse fut donnée à Lecamus par son ami Paré, sur la place de l’Estape, il revint à demi mort et rentra dans sa chambre en refusant de souper. Tourillon, inquiet, monta, trouva le vieillard en pleurs, et