baisers de ses lèvres te revêtaient d’une robe vénéneuse qui consumait les derniers vestiges de ta nature terrestre. Ses yeux étaient deux étoiles qui te faisaient devenir lumière sans ombre. Vous étiez comme deux anges prosternés sur les palmes célestes, attendant que les portes du paradis s’ouvrissent ; mais elles tournaient difficilement sur leurs gonds, et dans ton impatience tu les frappais sans pouvoir les atteindre. Ta main ne rencontrait que des nuées plus alertes que ton désir. Couronnée de roses blanches et semblable à une fiancée céleste, ta lumineuse amie pleurait de ta fureur. Peut-être disait-elle à la Vierge de mélodieuses litanies, tandis que les diaboliques voluptés de la terre te soufflaient leurs infâmes clameurs, tu dédaignais alors les fruits divins de cette extase dans laquelle je vis aux dépens de mes jours.
— Ton ivresse, cher Vendramin, dit avec calme Emilio, est au-dessous de la réalité. Qui pourrait dépeindre cette langueur purement corporelle où nous plonge l’abus des plaisirs rêvés, et qui laisse à l’âme son éternel désir, à l’esprit ses facultés pures ? Mais je suis las de ce supplice qui m’explique celui de Tantale. Cette nuit est la dernière de mes nuits. Après avoir tenté mon dernier effort, je rendrai son enfant à notre mère, l’Adriatique recevra mon dernier soupir !…
— Es-tu bête, reprit Vendramin, mais non, tu es fou, car la folie, cette crise que nous méprisons, est le souvenir d’un état antérieur qui trouble notre forme actuelle. Le génie de mes rêves m’a dit de ces choses et bien d’autres ! Tu veux réunir la duchesse et la Tinti ; mais, mon Emilio, prends-les séparément, ce sera plus sage. Raphaël seul a réuni la Forme et l’Idée. Tu veux être Raphaël en amour ; mais on ne crée pas le hasard. Raphaël est un raccroc du Père éternel qui a fait la Forme et l’Idée ennemies, autrement rien ne vivrait. Quand le principe est plus fort que le résultat, il n’y a rien de produit. Nous devons être ou sur la terre ou dans le ciel. Reste dans le ciel, tu seras toujours trop tôt sur la terre.
— Je reconduirai la duchesse, dit le prince, et je risquerai ma dernière tentative… Après ?
— Après, dit vivement Vendramin, promets-moi de venir me prendre à Florian ?
— Oui.
Cette conversation, tenue en grec moderne entre Vendramin et