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— Tu ne crains donc pas le duc, pour parler ainsi ?

— Il ne me châtiera point pour cela, monseigneur, répondit Chicot en souriant.

— Et à quoi dois-je l’honneur de ta visite ?

— Eh ! ne vous revenait-elle pas de droit après votre arrivée ? Je vous apporte ma marotte et mon bonnet.

— Je ne puis donc pas sortir ?

— Essayez ?

— Et si je sors ?

— Je dirai que vous avez gagné au jeu en jouant contre les règles.

— Chicot, tu me fais peur… Es-tu donc envoyé par quelqu’un qui s’intéresse à moi ?

— Oui ! dit Chicot par un signe de tête. Il s’approcha du prince et lui fit comprendre qu’ils étaient observés et écoutés.

— Qu’as-tu donc à me dire ? demanda le prince de Condé.

— Que l’audace seule peut vous tirer d’affaire, et ceci vient de la reine-mère, fit le fou qui glissa ses paroles dans l’oreille du prince.

— Dis à ceux qui t’envoient, répondit le prince, que je ne serais pas venu dans ce château, si j’avais quelque chose à me reprocher ou à craindre.

— Je cours répéter cette brave réponse ! s’écria le fou.

Deux heures après, à une heure après-midi, avant le dîner du roi, le chancelier et le cardinal de Tournon vinrent chercher le prince pour le présenter à François II, dans la grande galerie où l’on avait tenu conseil. Là, devant toute la cour, le prince de Condé fit le surpris de la froideur que lui marqua le petit roi dans son accueil, et il en demanda la cause.

— On vous accuse, mon cousin, dit sévèrement la reine-mère, d’avoir trempé dans le complot des Réformés, et vous devez vous montrer sujet fidèle et bon catholique, si vous ne voulez attirer la colère du roi sur votre maison.

En entendant ces paroles, dites au milieu du plus profond silence par Catherine, qui donnait le bras au roi son fils et qui avait à sa gauche le duc d’Orléans, le prince se recula de trois pas, par un mouvement plein de fierté, mit la main sur son épée et regarda tous les personnages qui l’environnaient.

— Ceux qui ont dit cela, madame, cria-t-il d’une voix irritée, en ont menti par leur gorge.