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— On va nous tailler des croupières, disait Groslot au cardinal de Châtillon.

Enfin chacun disait son mot. Les uns allaient et venaient dans cette immense salle, d’autres papillonnaient autour des filles des deux reines comme s’il était donné de saisir quelques paroles à travers un mur de trois pieds d’épaisseur, à travers deux portes et les riches portières qui les enveloppaient.

Assis en haut de la longue table couverte en velours bleu qui se trouvait au milieu de cette salle, le roi auprès de qui la jeune reine avait pris place sur un fauteuil, attendait sa mère. Robertet taillait ses plumes. Les deux cardinaux, le Grand-Maître, le chancelier, le garde-des-sceaux, tout le conseil enfin regardait le petit roi en se demandant pourquoi il ne donnait pas l’ordre pour s’asseoir.

— Délibérera-t-on en l’absence de madame la reine-mère ? dit alors le chancelier en s’adressant au jeune roi.

Les deux princes lorrains attribuèrent l’absence de Catherine à quelque ruse de leur nièce. Excité d’ailleurs par un regard significatif, l’audacieux cardinal dit au roi : — Le bon plaisir du Roi est-il que l’on commence sans madame sa mère ?

François II, sans oser se prononcer, répondit : — Messieurs, asseyez-vous.

Le cardinal expliqua succinctement les dangers de la situation. Ce grand politique, qui fut dans cette circonstance d’une habileté merveilleuse, amena la question de la lieutenance au milieu du profond silence des assistants. Le jeune roi sentit sans doute une oppression et devina que sa mère avait le sentiment des droits de la couronne et la connaissance du danger où était son pouvoir, il répondit alors à une demande positive du cardinal : – Attendons la reine ma mère.

Éclairée par le retard inconcevable de la reine Catherine, tout à coup Marie Stuart réunit en une seule pensée trois circonstances qu’elle se rappela vivement. D’abord la grosseur des mémoires présentés à sa belle-mère, et qui l’avait frappée, quelque distraite qu’elle fût, car une femme qui paraît ne rien voir est un lynx ; puis l’endroit où Christophe les avait mis pour les séparer des siens. — Et pourquoi ? se demanda-t-elle. Enfin elle se souvint du regard froid de ce garçon, qu’elle attribua soudain à la haine des Réformés contre la nièce des Guise. Une voix lui cria : — Ne