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quand on est sain et sauf et qu’on les voit ? dit-elle en se montrant à Christophe.

— Ah ! madame, j’ai votre mémoire aussi, dit-il en la regardant avec une niaiserie bien jouée.

La jeune reine le toisa sans prendre le papier, et remarqua, mais sans en tirer alors la moindre conséquence, qu’il avait pris dans son sein le mémoire de la reine Catherine, tandis qu’il sortait le sien, à elle, de sa poche. Elle ne vit pas non plus dans les yeux de ce garçon l’admiration que son aspect excitait chez tout le monde ; mais elle était si occupée de son surcot, qu’elle ne se demanda pas d’abord d’où pouvait venir cette indifférence.

— Prends, Dayelle ? dit-elle à la femme de chambre, tu donneras le mémoire à monsieur de Versailles (Loménie), en lui disant de ma part de payer.

— Oh ! madame, si vous ne me faites signer une ordonnance par le roi ou par monseigneur le Grand-Maître, qui est là, votre gracieuse parole resterait sans effet.

— Vous êtes plus vif qu’il ne sied à un sujet, mon ami, dit Marie Stuart. Vous ne croyez donc pas aux paroles royales ?

Le roi se montra vêtu de ses chausses de soie, et du haut-de-chausses, la culotte de ce temps, mais sans pourpoint ni manteau ; il avait une riche redingote de velours, bordée de menu-vair, car ce mot de la langue moderne peut seul donner l’idée du négligé du roi.

— Quel est le maraud qui doute de votre parole, dit le jeune François II qui malgré la distance entendit le dernier mot de sa femme.

La porte du cabinet se trouvait masquée par le lit royal. Ce cabinet fut appelé plus tard cabinet vieux, pour le distinguer du riche cabinet de peintures que fit arranger Henri III à l’autre extrémité de cet appartement, du côté de la salle des États-Généraux. Henri III fit cacher les meurtriers dans le cabinet vieux, et envoya dire au duc de Guise de venir l’y trouver, tandis qu’il resta caché dans le cabinet neuf pendant le meurtre, et il n’en sortit que pour venir voir expirer cet audacieux sujet pour lequel il n’y avait plus ni prison, ni tribunal, ni juges, ni lois dans le royaume. Sans ces terribles circonstances, l’historien reconnaîtrait aujourd’hui difficilement la destination de ces salles et de ces cabinets pleins de soldats. Un fourrier écrit à sa maîtresse à la même place où jadis Catherine pensive décidait de sa lutte avec les partis.