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— Que voulez-vous, monseigneur ? dit Ambroise. Le roi serait-il malade ? je le croirais assez.

— Comment ?

— La reine est trop jolie, répliqua le chirurgien.

— Ah ! fit le duc étonné. Néanmoins il ne s’agit pas de ceci, reprit-il après une pause. Ambroise, je veux te faire voir un de tes amis, dit-il en l’emmenant sur le pas de la porte de la chambre du conseil et lui montrant Christophe.

— Hé ! c’est vrai, monseigneur, s’écria le chirurgien en tendant la main à Christophe. Comment va ton père, mon gars ?

— Mais bien, maître Ambroise, répondit Christophe.

— Et que viens-tu faire à la cour, dit le chirurgien, ce n’est pas ton métier de porter les paquets, ton père te destine à la chicane. Veux-tu la protection de ces deux grands princes pour être avocat ?

— Oh ! mon Dieu oui, dit Christophe, mais pour les intérêts de mon père ; et si vous pouvez intercéder pour nous, joignez-vous à moi, fit-il en prenant un air piteux, pour obtenir de monseigneur le Grand-Maître une ordonnance de paiement des sommes qui sont dues à mon père, car il ne sait de quel bois faire flèche…

Le cardinal et le Grand-Maître se regardèrent et parurent satisfaits.

— Maintenant laissez-nous, dit le Grand-Maître à Ambroise en lui faisant un signe. Et vous, mon ami, dit-il à Christophe, faites promptement vos affaires et retournez à Paris. Mon secrétaire vous donnera une passe, car, mordieu, il ne fera pas bon sur les chemins !

Aucun des deux frères n’eut le moindre soupçon des graves intérêts qui reposaient sur Christophe, une fois assurés qu’il était bien le fils du bon catholique Lecamus, fournisseur de la cour, et qu’il ne venait que pour se faire payer.

— Mène-le auprès de la chambre de la reine, qui sans doute va le demander, dit le cardinal au chirurgien en lui montrant Christophe.

Pendant que le fils du pelletier subissait son interrogatoire dans la salle du conseil, le roi avait laissé la reine en compagnie de sa belle-mère, après avoir passé dans son cabinet de toilette où l’on allait par le cabinet contigu à la chambre.

Debout dans la vaste embrasure de l’immense croisée, la reine Catherine regardait les jardins, en proie aux plus tristes pensées.