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— Voici le finale, reprit la duchesse. Vous entendez de nouveau cette marche inspirée par le bonheur de la délivrance, et par la foi en Dieu qui permet à tout un peuple de s’enfoncer joyeusement dans le désert ! Quels poumons ne seraient rafraîchis par les élans célestes de ce peuple au sortir de l’esclavage. Ah ! chères et vivantes mélodies ! Gloire au beau génie qui a su rendre tant de sentiments. Il y a je ne sais quoi de guerrier dans cette marche qui dit que ce peuple a pour lui le dieu des armées ! quelle profondeur dans ces chants pleins d’actions de grâce ! Les images de la Bible s’émeuvent dans notre âme, et cette divine scène musicale nous fait assister réellement à l’une des plus grandes scènes d’un monde antique et solennel. La coupe religieuse de certaines parties vocales, la manière dont les voix s’ajoutent les unes aux autres et se groupent, expriment tout ce que nous concevons des saintes merveilles de ce premier âge de l’humanité. Ce beau concert n’est cependant qu’un développement du thème de la marche dans toutes ses conséquences musicales. Ce motif est le principe fécondant pour l’orchestre et les voix, pour le chant et la brillante instrumentation qui l’accompagne. Voici Elcia qui se réunit à la horde et à qui Rossini a fait exprimer des regrets pour nuancer la joie de ce morceau. Ecoutez son duettino avec Aménofi. Jamais amour blessé a-t-il fait entendre de pareils chants ? la grâce des nocturnes y respire, il y a là le deuil secret de l’amour blessé. Quelle mélancolie ! Ah ! le désert sera deus fois désert pour elle ! Enfin voici la lutte terrible de l’Égypte et des Hébreux ! cette allégresse, cette marche, tout est troublé par l’arrivée des Egyptiens. La promulgation des ordres du Pharaon s’accomplit par une idée musicale qui domine le finale, une phrase sourde et grave, il semble qu’on entende le pas des puissantes armées de l’Égypte entourant la phalange sacrée de Dieu, l’enveloppant lentement comme un long serpent d’Afrique enveloppe sa proie. Quelle grâce dans les plaintes de ce peuple abusé ! n’est-il pas un peu plus Italien qu’Hébreu ? Quel mouvement magnifique jusqu’à l’arrivée du Pharaon qui achève de mettre en présence les chefs des deux peuples et toutes les passions du drame. Quel admirable mélange de sentiments dans le sublime ottetto, où la colère de Moïse et celle des deux Pharaons se trouvent aux prises ! quelle lutte de voix et de colères déchaînées ! Jamais sujet plus vaste ne s’était offert à un compositeur. Le fameux finale de Don Juan ne présente après tout qu’un