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l’esprit puissant aux grandes affaires, et le cœur invincible aux grandes adversités.

— Monsieur le Cardinal, dit le chancelier Olivier à monsieur de Tournon qui avait écouté Groslot, que pensez-vous de cette audace ?

— La reine de Navarre a bien fait de choisir pour son chancelier un homme à qui la maison de Lorraine a des emprunts à faire et qui offre son logis au roi quand on parle d’aller à Orléans, répondit le cardinal.

Le chancelier et le cardinal se regardèrent alors sans oser se communiquer leurs pensées ; mais Robertet les leur exprima, car il croyait nécessaire de montrer plus de dévouement aux Guise que ces grands personnages en se trouvant plus petit qu’eux.

— C’est un grand malheur que la maison de Navarre, au lieu d’abjurer la religion de ses pères, n’abjure pas l’esprit de vengeance et de révolte que lui a soufflé le connétable de Bourbon. Nous allons revoir les querelles des Armagnacs et des Bourguignons.

— Non, dit Groslot, car il y a du Louis XI dans le cardinal de Lorraine.

— Et aussi chez la reine Catherine, répondit Robertet.

En ce moment madame Dayelle, la femme de chambre favorite de la reine Marie Stuart, traversa la salle et alla vers la chambre de la reine. Le passage de la femme de chambre causa du mouvement.

— Nous allons bientôt entrer, dit madame de Fiesque.

— Je ne le crois pas, répondit madame de Guise, Leurs Majestés sortiront, car on va tenir un grand conseil.

La Dayelle se glissa dans la chambre royale après avoir gratté à la porte, façon respectueuse inventée par Catherine de Médicis, et qui fut adoptée à la cour de France.

— Quel temps fait-il, ma chère Dayelle ? dit la reine Marie en montrant son blanc et frais visage hors du lit en en secouant les rideaux.

— Ah ! madame…

— Qu’as-tu, ma Dayelle ? on dirait que les archers sont à tes trousses.

— Oh ! madame, le roi dort-il encore ?

— Oui.

— Nous allons quitter le château, et monsieur le cardinal m’a priée de vous le dire, afin que vous y disposiez le roi.