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struisit en retour, à la double exposition du levant et du couchant, un corps de logis qui joignit le château des comtes de Blois aux restes de vieilles constructions desquelles il ne subsiste aujourd’hui que l’immense salle où se tinrent les États-Généraux sous Henri III.

Avant de s’amouracher de Chambord, François Ier voulut achever le château en y ajoutant deux autres ailes, ainsi le carré eût été parfait ; mais Chambord le détourna de Blois, où il ne fit qu’un corps de logis, qui de son temps et pour ses petits-enfants, devint tout le château. Ce troisième château bâti par François Ier est beaucoup plus vaste et plus orné que le Louvre, appelé de Henri II. Il est ce que l’architecture dite de la Renaissance a élevé de plus fantastique. Aussi, dans un temps où régnait une architecture jalouse et où de moyen-âge on ne se souciait guère, dans une époque où la littérature ne se mariait pas aussi étroitement que de nos jours avec l’art, La Fontaine a-t-il dit du château de Blois, dans sa langue pleine de bonhomie : « Ce qu’a fait faire François Ier, à le regarder du dehors, me contenta plus que tout le reste : il y a force petites galeries, petites fenêtres, petits balcons, petits ornements sans régularité et sans ordre, cela fait quelque chose de grand qui me plaît assez. »

Le château de Blois avait donc alors le mérite de représenter trois genres d’architecture différents, trois époques, trois systèmes, trois dominations. Aussi, peut-être n’existe-t-il aucune demeure royale qui soit sous ce rapport comparable au château de Blois. Cette immense construction offre dans la même enceinte, dans la même cour, un tableau complet, exact de cette grande représentation des mœurs et de la vie des nations qui s’appelle l’Architecture. Au moment où Christophe allait voir la cour, la partie du château qui, de nos jours, est occupée par le quatrième palais que s’y bâtit soixante-dix ans plus tard, pendant son exil, Gaston, le factieux frère de Louis XIII, offrait un ensemble de parterres et de jardins aériens pittoresquement mêlés aux pierres d’attente et aux tours inachevées du château de François Ier. Ces jardins communiquaient par un pont d’une belle hardiesse, et que les vieillards du Blésois peuvent encore se souvenir d’avoir vu démolir, à un parterre qui s’élevait de l’autre côté du château et qui, par la disposition du sol, se trouvait au même niveau. Les gentilshommes attachés à la reine Anne de Bretagne, ou ceux qui de cette province venaient la solliciter, conférer avec elle ou l’éclairer sur le sort de