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plus immenses scènes nationales et naturelles, la misère, le bonheur, encadrées par la magie que leur prêtent la vengeance divine et le merveilleux de la Bible.

— N’avais-je pas raison ? dit en continuant la duchesse au Français quand fut finie la magnifique strette de

Voci di giubilo

D’in’orno echeggino,

Di pace l’Iride

Per noi spunto.

(Que des cris d’allégresse retentissent autour de nous, l’astre de la paix répand pour nous sa clarté.)

— Avec quel art le compositeur n’a-t-il pas construit ce morceau ?… reprit-elle après une pause pendant laquelle elle attendit une réponse, il l’a commencé par un solo de cor d’une suavité divine, soutenu par des arpèges de harpes, car les premières voix qui s’élèvent dans ce grand concert sont celles de Moïse et d’Aaron qui remercient le vrai Dieu ; leur chant doux et grave rappelle les idées sublimes de l’invocation et s’unit néanmoins à la joie du peuple profane. Cette transition a quelque chose de céleste et de terrestre à la fois que le génie seul sait trouver, et qui donne à l’andante du quintetto une couleur que je comparerais à celle que Titien met autour de ses personnages divins. Avez-vous remarqué le ravissant enchâssement des voix ? Par quelles habiles entrées le compositeur ne les a-t-il pas groupées sur les charmants motifs chantés par l’orchestre ? Avec quelle science il a préparé les fêtes de son allégro. N’avez-vous pas entrevu les chœurs dansants, les rondes folles de tout un peuple échappé au danger ? Et quand la clarinette a donné le signal de la strette Voci di giubilo, si brillante, si animée, votre âme n’a-t-elle pas éprouvé cette sainte pyrrhique dont parle le roi David dans ses psaumes, et qu’il prête aux collines ?

— Oui, cela ferait un charmant air de contredanse ! dit le médecin.

— Français ! Français ! toujours Français ! s’écria la duchesse atteinte au milieu de son exaltation par ce trait piquant. Oui, vous êtes capable d’employer ce sublime élan, si gai, si noblement pimpant, à vos rigodons. Une sublime poésie n’obtient jamais grâce à vos yeux. Le génie le plus élevé, les saints, les rois, les infortunes,