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des classes inférieures que la pensée avait pénétrées. Les grands seigneurs n’appuyèrent ce mouvement que pour servir des intérêts étrangers à la cause religieuse. À ces différents partis se joignirent des aventuriers, des seigneurs ruinés, des cadets à qui tous les troubles allaient également bien. Mais chez les artisans et chez les gens de commerce, la foi fut sincère et basée sur le calcul. Les peuples pauvres adhéraient aussitôt à une religion qui rendait à l’État les biens ecclésiastiques, qui supprimait les couvents, qui privait les dignitaires de l’Église de leurs immenses revenus. Le commerce entier supputa les bénéfices de cette opération religieuse, et s’y dévoua, corps, âme et bourse. Mais chez les jeunes gens de la bourgeoisie française, le Prêche rencontra cette disposition noble vers les sacrifices en tout genre, qui anime la jeunesse, à laquelle l’égoïsme est inconnu. Des hommes éminents, des esprits pénétrants, comme il s’en rencontre toujours au sein des masses, devinaient la République dans la Réformation, et voulaient établir dans toute l’Europe le gouvernement des Provinces-Unies qui finirent par triompher dans leur lutte avec la plus grande puissance de cette époque, l’Espagne gouvernée par Philippe II et représentée dans les Pays-Bas par le duc d’Albe. Jean Hotoman méditait alors son fameux livre où ce projet existe, et qui répandit en France le levain de ces idées, remuées à nouveau par la Ligue, comprimées par Richelieu, puis par Louis XIV ; mais qui reparurent avec les Économistes, avec les Encyclopédistes sous Louis XV, et qui éclatèrent sous Louis XVI, toujours protégées par les branches cadettes, protégées par la maison d’Orléans en 1790 comme par la maison de Bourbon en 1590. Qui dit examen, dit révolte. Toute révolte est, ou le manteau sous lequel se cache un prince, ou les langes d’une domination nouvelle. La maison de Bourbon, les cadets des Valois s’agitaient au fond de la Réformation. La question, dans le moment où la barque flottait sous l’arche du Pont-au-Change, était étrangement compliquée par l’ambition des Guise qui rivalisaient les Bourbons ; aussi la Couronne, représentée par Catherine de Médicis, pendant trente ans, put-elle soutenir le combat en les opposant les uns aux autres ; tandis que plus tard la Couronne, au lieu d’être tiraillée par plusieurs mains, se trouva devant le peuple sans aucune barrière : Richelieu et Louis XIV avaient abattu celle de la Noblesse, Louis XV avait abattu celle des Parlements. Seul devant un peuple, comme le fut alors Louis XVI, un roi succombera toujours.