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sur la première corde des premiers violons avec une douceur boréale, il se répand dans l’orchestre, il y anime un à un tous les instruments, il s’y déploie. Comme la lumière va colorant de proche en proche les objets, il va réveillant chaque source d’harmonie jusqu’à ce que toutes ruissellent dans le tutti. Les violons, que vous n’aviez pas encore entendus, ont donné le signal par leur doux tremolo, vaguement agité comme les premières ondes lumineuses. Ce joli, ce gai mouvement presque lumineux qui vous a caressé l’âme, l’habile musicien l’a plaqué d’accords de basse, par une fanfare indécise des cors contenus dans leurs notes les plus sourdes, afin de vous bien peindre les dernières ombres fraîches qui teignent les vallées pendant que les premiers feux se jouent dans les cimes. Puis les instruments à vent s’y sont mêlés doucement en renforçant l’accord général. Les voix s’y sont unies par des soupirs d’allégresse et d’étonnement. Enfin les cuivres ont résonné brillamment, les trompettes ont éclaté ! La lumière, source d’harmonie, a inondé la nature, toutes les richesses musicales se sont alors étalées avec une violence, avec un éclat pareils à ceux des rayons du soleil oriental. Il n’y a pas jusqu’au triangle dont l’ut répété ne vous ait rappelé le chant des oiseaux au matin par ses accents aigus et ses agaceries lutines. La même tonalité, retournée par cette main magistrale, exprime la joie de la nature entière en calmant la douleur qui vous navrait naguère. Là est le cachet du grand maître : l’unité ! C’est un et varié. Une seule phrase et mille sentiments de douleur, les misères d’une nation ; un seul accord et tous les accidents de la nature à son réveil, toutes les expressions de la joie d’un peuple. Ces deux immenses pages sont soudées par un appel au Dieu toujours vivant, auteur de toutes choses, de cette douleur comme de cette joie. A elle seule, cette introduction n’est-elle pas un grand poème ?

— C’est vrai, dit le Français.

— Voici maintenant un quinquetto comme Rossini en sait faire ; si jamais il a pu se laisser aller à la douce et facile volupté qu’on reproche à notre musique, n’est-ce pas dans ce joli morceau où chacun doit exprimer son allégresse, où le peuple esclave est délivré, et où cependant va soupirer un amour en danger. Le fils du Pharaon aime une Juive, et cette Juive le quitte. Ce qui rend ce quintette une chose délicieuse et ravissante, est un retour aux émotions ordinaires de la vie, après la peinture grandiose des deux