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Philippe Strozzi avait épousé Clarisse de Médicis, sœur consanguine de Laurent de Médicis, duc d’Urbin, père de Catherine ; mais ce mariage, fait autant pour convertir à la cause des Médicis un des plus fermes appuis du parti populaire que pour ménager le rappel des Médicis, alors bannis, ne fit jamais varier ce rude champion, qui fut persécuté par son parti pour l’avoir conclu. Malgré les apparents changements de sa conduite, un peu dominée par cette alliance, il resta fidèle au parti populaire, et se déclara contre les Médicis dès qu’il eut pressenti leur dessein d’asservir Florence. Ce grand homme résista même à l’offre d’une principauté que lui fit Léon X. Philippe Strozzi se trouvait en ce moment victime de la politique des Médicis, si vacillante dans les moyens, mais si fixe dans son but. Après avoir partagé les malheurs de la captivité de Clément VII, quand, surpris par les Colonne, il s’était réfugié dans le château Saint-Ange, il fut livré par Clément comme otage et emmené à Naples. Comme le pape, une fois libre, tomba rudement sur ses ennemis, Strozzi faillit perdre la vie, et fut obligé de donner une somme énorme pour sortir de la prison où il était étroitement gardé. Quand il se vit libre, il eut, par une inspiration de la bonhomie naturelle à l’honnête homme, la simplicité de se présenter à Clément VII, qui s’était peut-être flatté de s’en être débarrassé. Le pape devait tellement rougir de sa conduite, qu’il fit à Strozzi le plus mauvais accueil. Strozzi avait ainsi commencé très-jeune l’apprentissage de la vie malheureuse de l’homme probe en politique, dont la conscience ne se prête point aux caprices des événements ; dont les actions ne plaisent qu’à la vertu, qui se trouve alors persécuté par tous : par le peuple, en s’opposant à ses passions aveugles, par le pouvoir, en s’opposant à ses usurpations. La vie de ces grands citoyens est un martyre dans lequel ils ne sont soutenus que par la forte voix de leur conscience et par un héroïque sentiment du devoir social, qui leur dicte en toutes choses leur conduite. Il y eut beaucoup de ces hommes dans la république de Florence, tous aussi grands que Strozzi, et aussi complets que leurs adversaires du parti Médicis, quoique vaincus par leur ruse florentine. Qu’y a-t-il de plus digne d’admiration dans la conjuration des Pazzi, que la conduite du chef de cette maison, dont le commerce était immense, et qui règle tous ses comptes avec l’Asie, le Levant et l’Europe avant d’exécuter ce vaste dessein, afin que s’il succombait, ses correspondants n’eussent rien à perdre. Aussi