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chef de cette légion de diables invisibles ou visibles qui connaissent tous mes secrets, ouvrent mes serrures, me dépouillent et m’assassinent. Ils sont bien riches, mon compère ! Ah ! cette fois nous aurons leur trésor, car celui-ci a la mine du roi d’Égypte. Je vais recouvrer mes chers rubis et mes notables sommes ; notre digne roi aura des écus à foison…

— Oh, nos cachettes sont plus solides que les vôtres ! dit Georges en souriant.

— Ah ! le damné larron, il avoue, s’écria l’avare.

Le grand-prévôt était occupé à examiner attentivement les habits de Georges d’Estouteville et la serrure.

— Est-ce toi qui a dévissé toutes ces clavettes ?

Georges garda le silence.

— Oh ! bien, tais-toi, si tu veux. Bientôt tu te confesseras à saint chevalet, reprit Tristan.

— Voilà qui est parlé, s’écria Cornélius.

— Emmenez-le, dit le prévôt.

Georges d’Estouteville demanda la permission de se vêtir. Sur un signe de leur chef, les estafiers habillèrent le prisonnier avec l’habile prestesse d’une nourrice qui veut profiter, pour changer son marmot, d’un instant où il est tranquille.

Une foule immense encombrait la rue du Mûrier. Les murmures du peuple allaient grossissant, et paraissaient les avant-coureurs d’une sédition. Dès le matin, la nouvelle du vol s’était répandue dans la ville. Partout l’apprenti, que l’on disait jeune et joli, avait réveillé les sympathies en sa faveur, et ranimé la haine vouée à Cornélius ; en sorte qu’il ne fut fils de bonne mère, ni jeune femme ayant de jolis patins et une mine fraîche à montrer, qui ne voulussent voir la victime. Quand Georges sortit, emmené par un des gens du prévôt, qui, tout en montant à cheval, gardait, entortillée à son bras la forte lanière de cuir avec laquelle il tenait le prisonnier dont les mains avaient été fortement liées, il se fit un horrible brouhaha. Soit pour revoir Philippe Goulenoire, soit pour le délivrer, les derniers venus poussèrent les premiers sur le piquet de cavalerie qui se trouvait devant la Malemaison. En ce moment, Cornélius, aidé par sa sœur, ferma sa porte, et poussa ses volets avec la vivacité que donne une terreur panique. Tristan, qui n’avait pas été accoutumé à respecter le monde de ce temps-là, vu que le peuple