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— Sire, un prétendu Flamand m’a si bien entortillé, dit Cornélius.

— Il doit être bien rusé celui-là, fit Louis XI en hochant la tête.

— Oh ! oui, répondit l’argentier. Mais je ne sais s’il ne vous engluerait pas vous-même. Comment pouvais-je me défier d’un pauvre hère qui m’était recommandé par Oosterlinck, un homme à qui j’ai cent mille livres ! Aussi, gagerais-je que le seing du juif est contrefait. Bref, sire, ce matin je me suis trouvé dénué de ces joyaux que vous avez admirés, tant ils étaient beaux. Ils m’ont été emblés, sire ! Embler les joyaux de l’électeur de Bavière ! les truands ne respectent rien, ils vous voleront votre royaume, si vous n’y prenez garde. Aussitôt je suis monté dans la chambre où était cet apprenti, qui, certes, est passé maître en volerie. Cette fois, nous ne manquerons pas de preuves. Il a dévissé la serrure ; mais quand il est revenu, comme il n’y avait plus de lune, il n’a pas su retrouver toutes les vis ! Heureusement, en entrant, j’ai senti une vis sous mon pied. Il dormait, le truand, il était fatigué. Figurez-vous, messieurs, qu’il est descendu dans mon cabinet par la cheminée. Demain, ce soir plutôt je la ferai griller. On apprend toujours quelque chose avec les voleurs. Il a sur lui une échelle de soie, et ses vêtements portent les traces du chemin qu’il a fait sur les toits et dans la cheminée. Il comptait rester chez moi, me ruiner, le hardi compère ! Où a-t-il enterré les joyaux ? Les gens de campagne l’ont vu de bonne heure revenant chez moi par les toits. Il avait des complices qui l’attendaient sur la levée que vous avez construite. Ah ! sire, vous êtes le complice des voleurs qui viennent en bateaux ; et, crac, ils emportent tout, sans laisser de traces ; mais nous tenons le chef, un hardi coquin, un gaillard qui ferait honneur à la mère d’un gentilhomme. Ah ! ce sera un beau fruit de potence, et avec un petit bout de question, nous saurons tout ! cela n’intéresse-t-il à la gloire de votre règne ? Il ne devrait point y avoir de voleurs sous un si grand roi !

Le roi n’écoutait plus depuis longtemps. Il était tombé dans une de ces sombres méditations qui devinrent si fréquentes pendant les derniers jours de sa vie. Un profond silence régna.

— Cela te regarde, mon compère, dit-il enfin à Tristan, va grabeler cette affaire.

Il se leva, fit quelques pas en avant, et ses courtisans le laissèrent