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autrichien, le duc seul était malade, la Tinti le gardait, et Genovese avait été chargé de consoler le parterre. La duchesse devait la visite du général à l’arrivée d’un médecin français qu’il avait voulu lui présenter. Le prince, apercevant Vendramin qui rôdait autour du parterre, sortit pour causer confidentiellement avec cet ami qu’il n’avait pas vu depuis trois mois, et tout en se promenant dans l’espace qui existe entre les banquettes des parterres italiens et les loges du rez-de-chaussée, il put examiner comment la duchesse accueillait l’étranger.

— Quel est ce Français ? demanda le prince à Vendramin.

— Un médecin mandé par Cataneo qui veut savoir combien de temps il peut vivre encore. Ce Français attend Malfatti, avec lequel la consultation aura lieu.

Comme toutes les dames italiennes qui aiment, la duchesse ne cessait de regarder Emilio ; car en ce pays l’abandon d’une femme est si entier, qu’il est difficile de surprendre un regard expressif détourné de sa source.

— Caro, dit le prince à Vendramin, songe que j’ai couché chez toi cette nuit.

— As-tu vaincu ? répondit Vendramin en serrant le prince par la taille.

— Non, repartit Emilio, mais je crois pouvoir être quelque jour heureux avec Massimilla.

— Eh ! bien, reprit Marco, tu seras l’homme le plus envié de la terre. La duchesse est la femme la plus accomplie de l’Italie. Pour moi, qui vois les choses d’ici-bas à travers les brillantes vapeurs des griseries de l’opium, elle m’apparaît comme la plus haute expression de l’art, car vraiment la nature a fait en elle, sans s’en douter, un portrait de Raphaël. Votre passion ne déplaît pas à Cataneo, qui m’a bel et bien compté mille écus que j’ai à te remettre.

— Ainsi, reprit Emilio, quoi que l’on te dise, je couche toutes les nuits chez toi. Viens, car une minute passée loin d’elle, quand je puis être près d’elle, est un supplice.

Emilio prit sa place au fond de la loge et y resta muet dans son coin à écouter la duchesse, en jouissant de son esprit et de sa beauté. C’était pour lui et non par vanité que Massimilla déployait les grâces de cette conversation prodigieuse d’esprit italien, où le sarcasme tombait sur les choses et non sur les personnes, où la