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les frais de l’éducation de vos enfants. Je ne vous le reproche point, mon ami, et ne vous rappelle cette omission que pour vous expliquer mon manque d’argent. Tout celui que vous m’avez donné m’a servi pour payer les maîtres, et…

— Assez, s’écria Diard brusquement. Sacré tonnerre ! le temps est précieux. N’avez-vous pas des bijoux ?

— Vous savez bien que je n’en ai jamais porté.

— Il n’y a donc pas un sou ici, cria Diard avec frénésie.

— Pourquoi criez-vous, dit-elle.

— Juana, reprit-il, je viens de tuer un homme.

Juana sauta vers la chambre de ses enfants, et en revint après avoir fermé toutes les portes.

— Que vos fils n’entendent rien, dit-elle. Mais avec qui donc avez-vous pu vous battre ?

— Avec Montefiore, répondit-il.

— Ah ! dit-elle, en laissant échapper un soupir, c’est le seul homme que vous eussiez le droit de tuer…

— Beaucoup de raisons voulaient qu’il mourût de ma main. Mais ne perdons pas de temps. De l’argent, de l’argent, de l’argent, au nom de Dieu ! Je puis être poursuivi. Nous ne nous sommes pas battus, je l’ai… tué.

— Tué ! s’écria-t-elle. Et comment…

— Mais, comme on tue ; il m’avait volé toute ma fortune au jeu, moi, je la lui ai reprise. Vous devriez, Juana, pendant que tout est tranquille, puisque nous n’avons pas d’argent, aller chercher le mien sous ce tas de pierres que vous savez, ce tas qui est au bout de la rue.

— Allons, dit Juana, vous l’avez volé.

— Qu’est-ce que cela vous fait ? Ne faut-il pas que je m’en aille ? Avez-vous de l’argent ? Ils sont sur mes traces !

— Qui ?

— Les juges !

Juana sortit et revint brusquement.

— Tenez, dit-elle, en lui tendant à distance un bijou, voilà la croix de dona Lagounia. Il y a quatre rubis de grande valeur, m’a-t-on dit. Allez, partez, partez… partez donc !

— Félicie ne revient point, dit-il avec stupeur. Serait-elle donc arrêtée ?

Juana laissa la croix au bord de la table, et s’élança vers les fe-