trop dangereusement blessé pour rester au service. Menacé de perdre une jambe, il eut sa retraite, sans le titre de baron, sans les récompenses qu’il avait désiré gagner, et qu’il aurait peut-être obtenues, s’il n’eût pas été Diard. Cet événement, sa blessure, ses espérances trahies, contribuèrent à changer son caractère. Son énergie provençale, exaltée pendant un moment, tomba soudain. Néanmoins, il fut d’abord soutenu par sa femme, à laquelle ces efforts, ce courage, cette ambition, donnèrent quelque croyance en son mari, et qui, plus que toute autre, devait se montrer ce que sont les femmes, consolantes et tendres dans les peines de la vie. Animé par quelques paroles de Juana, le chef de bataillon en retraite vint à Paris, et résolut de conquérir, dans la carrière administrative, une haute position qui commandât le respect, fit oublier le quartier-maître du 6e de ligne, et dotât un jour madame Diard de quelque beau titre. Sa passion pour cette séduisante créature l’aidait à en deviner les vœux secrets. Juana se taisait, mais il la comprenait ; il n’en était pas aimé comme un amant rêve de l’être ; il le savait, et voulait se faire estimer, aimer, chérir. Il pressentait le bonheur, ce malheureux homme, en trouvant en toute occasion sa femme et douce et patiente ; mais cette douceur, cette patience, trahissaient la résignation à laquelle il devait Juana. La résignation, la religion, était-ce l’amour ? Souvent Diard eût souhaité des refus, là où il rencontrait une chaste obéissance ; souvent, il aurait donné sa vie éternelle pour que Juana daignât pleurer sur son sein et ne déguisât pas ses pensées sous une riante figure qui mentait noblement. Beaucoup d’hommes jeunes, car, à un certain âge, nous ne luttons plus, veulent triompher d’une destinée mauvaise dont les nuages grondent, de temps à autre, à l’horizon de leur vie ; et au moment où ils roulent dans les abîmes du malheur, il faut leur savoir gré de ces combats ignorés.
Comme beaucoup de gens, Diard essaya de tout, et tout lui fut hostile. Sa fortune lui permit d’entourer sa femme des jouissances du luxe parisien, elle eut un grand hôtel, de grands salons, et tint une de ces grandes maisons où abondent et les artistes, peu jugeurs de leur nature, et quelques intrigants qui font nombre, et les gens disposés à s’amuser partout, et certains hommes à la mode, tous amoureux de Juana. Ceux qui se mettent en évidence à Paris doivent ou dompter Paris ou subir Paris. Diard n’avait pas un caractère assez fort, assez compact, assez persistant pour commander au