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brillaient encore dans ces yeux jaunes, quoique tempérés par un sentiment religieux. La dévotion jetait une teinte monastique sur ce visage, jadis si dur et marqué maintenant de teintes qui en adoucissaient l’expression. Les reflets du couchant coloraient par une douce lueur rouge cette tête encore vigoureuse. Le corps affaibli, enveloppé de vêtements bruns, achevait, par sa pose lourde, par la privation de tout mouvement, de peindre l’existence monotone, le repos terrible de cet homme, autrefois si entreprenant, si haineux, si actif.

— Assez, dit-il à son chapelain.

Ce vieillard vénérable lisait l’Evangile en se tenant debout devant le maître dans une attitude respectueuse. Le duc, semblable à ces vieux lions de ménagerie qui arrivent à une décrépitude encore pleine de majesté, se tourna vers un autre homme en cheveux blancs, et lui tendit un bras décharné, couvert de poils rares, encore nerveux, mais sans vigueur.

— A vous, rebouteur, s’écria-t-il, voyez où j’en suis aujourd’hui.

— Tout va bien, monseigneur, et la fièvre a cessé. Vous vivrez encore de longues années.

— Je voudrais voir Maximilien ici, reprit le duc en laissant échapper un sourire d’aise. Ce brave enfant ! il commande maintenant une compagnie d’arquebusiers chez le roi. Le maréchal d’Ancre a eu soin de mon gars, et notre gracieuse reine Marie pense à le bien apparenter, maintenant qu’il a été créé duc de Nivron. Mon nom sera donc dignement continué. Le gars a fait des prodiges de valeur à l’attaque…

En ce moment Bertrand arriva, tenant une lettre à la main.

— Qu’est ceci ? dit vivement le vieux seigneur.

— Une dépêche apportée par un courrier que vous envoie le roi, répondit l’écuyer.

— Le roi et non la reine-mère ! s’écria le duc. Que se passe-t-il donc, les Huguenots reprendraient-ils les armes, tête-dieu pleine de reliques ! reprit le duc en se dressant et jetant un regard étincelant sur les trois vieillards. J’armerais encore mes soldats, et, avec Maximilien à mes côtés, la Normandie…

— Asseyez-vous, mon bon seigneur, dit le rebouteur inquiet de voir le duc se livrant à une bravade dangereuse chez un convalescent. Lisez, maître Corbineau, dit le vieillard en tendant la dépêche à son confesseur.