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bleues. Sa blancheur était celle de la porcelaine. Ses yeux, d’un bleu clair empreints d’une douceur ineffable, imploraient la protection des hommes et des femmes ; les entraînantes suavités de la prière s’échappaient de son regard et séduisaient avant que les mélodies de sa voix n’achevassent le charme. La modestie la plus vraie se révélait dans tous ses traits. De longs cheveux châtains, lisses et tins, se partageaient en deux bandeaux sur son front et se bouclaient à leurs extrémités. Ses joues pâles et creuses, son front pur, marqué de quelques rides, exprimaient une souffrance native qui faisait mal à voir. Sa bouche, gracieuse et ornée de dents très-blanches, conservait cette espèce de sourire qui se fixe sur les lèvres des mourants. Ses mains blanches comme celles d’une femme, étaient remarquablement belles de forme. Semblable à une plante étiolée, ses longues méditations l’avaient habitué à pencher la tête, et cette attitude seyait à sa personne : c’était comme la dernière grâce qu’un grand artiste met à un portrait pour en faire ressortir toute la pensée. Vous eussiez cru voir une tête de jeune fille malade placée sur un corps d’homme débile et contrefait.

La studieuse poésie dont les riches méditations nous font parcourir en botaniste les vastes champs de la pensée, la féconde comparaison des idées humaines, l’exaltation que nous donne la parfaite intelligence des oeuvres du génie, étaient devenues les inépuisables et tranquilles félicités de sa vie rêveuse et solitaire. Les fleurs, créations ravissantes dont la destinée avait tant de ressemblance avec la sienne, eurent tout son amour. Heureuse de voir à son fils des passions innocentes qui le garantissaient du rude contact de la vie sociale auquel il n’aurait pas plus résisté que la plus jolie dorade de l’Océan n’eût soutenu sur la grève un regard du soleil, la comtesse avait encouragé les goûts d’Etienne, en lui apportant des romanceros espagnols, des motets italiens, des livres, des sonnets, des poésies. La bibliothèque du cardinal d’Hérouville était l’héritage d’Etienne, la lecture devait remplir sa vie. Chaque matin, l’enfant trouvait sa solitude peuplée de jolies plantes aux riches couleurs, aux suaves parfums. Ainsi, ses lectures, auxquelles sa frêle santé ne lui permettait pas de se livrer longtemps, et ses exercices au milieu des rochers, étaient interrompus par de naïves méditations qui le faisaient rester des heures entières assis devant ses riantes fleurs, ses douces compagnes, ou tapi dans le creux de quelque roche en présence d’une algue, d’une mousse, d’une herbe