Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 14.djvu/479

Cette page n’a pas encore été corrigée

peut-être qu’on ne la lui fit plus sévère, fut prononcé si noblement que chacun attendri essuya ses larmes ; mais ce fut la dernière expression de mélancolie, la joie prit insensiblement le caractère bruyant et animé qui signale les fêtes de famille. Après le dîner, les principaux habitants de la ville arrivèrent pour le bal qui s’ouvrit et qui répondit à la splendeur classique de la Maison Claës restaurée. Les trois mariages se firent promptement et donnèrent lieu à des fêtes, des bals, des repas qui entraînèrent pour plusieurs mois le vieux Claës dans le tourbillon du monde. Son fils aîné alla s’établir à la terre que possédait près de Cambrai Conyncks, qui ne voulait jamais se séparer de sa fille. Mme Pierquin dut également quitter la maison paternelle, pour faire les honneurs de l’hôtel que Pierquin avait fait bâtir, et où il voulait vivre noblement, car sa charge était vendue, et son oncle Des Raquets venait de mourir en lui laissant des trésors lentement économisés. Jean partit pour Paris, où il devait achever son éducation.

Les Solis restèrent donc seuls près de leur père, qui leur abandonna le quartier de derrière, en se logeant au second étage de la maison de devant.

Marguerite continua de veiller au bonheur matériel de Balthazar, et fut aidée dans cette douce tâche par Emmanuel. Cette noble fille reçut par les mains de l’amour la couronne la plus enviée, celle que le bonheur tresse et dont l’éclat est entretenu par la constance. En effet, jamais couple n’offrit mieux image de cette félicité complète, avouée, pure, que toutes les femmes caressent dans leurs rêves. L’union de ces deux êtres si courageux dans les épreuves de la vie, et qui s’étaient si saintement aimés, excita dans la ville une admiration respectueuse. M. de Solis, nommé depuis longtemps inspecteur général de l’Université, se démit de ses fonctions pour mieux jouir de son bonheur, et rester à Douai où chacun rendait si bien hommage à ses talents et à son caractère, que son nom était par avance promis au scrutin des collèges électoraux, quand viendrait pour lui l’âge de la députation. Marguerite, qui s’était montrée si forte dans l’adversité, redevint dans le bonheur une femme douce et bonne. Claës resta pendant cette année gravement préoccupé sans doute ; mais, s’il fit quelques expériences peu coûteuses et auxquelles ses revenus suffisaient, il parut négliger son laboratoire. Marguerite qui reprit les anciennes habitudes de la Maison Claës donna tous les mois, à son père, une fête de famille