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Je suis tout à vous, sans intérêt, entendez-vous ? ni à douze, ni à un quart pour cent. Que je sois trouvé digne de Félicie et je serai content. Pardonnez-moi mes défauts, ils ne viennent que de la pratique des affaires, le cœur est bon, et je me jetterais dans la Scarpe, plutôt que de ne pas rendre ma femme heureuse.

— Voilà qui est bien, cousin ! dit Marguerite, mais ma sœur dépend d’elle et de notre père…

— Je sais cela, ma chère cousine, dit le notaire, mais vous êtes la mère de toute la famille, et je n’ai rien plus à cœur que de vous rendre juge du mien. » Cette façon de parler peint assez bien l’esprit de l’honnête notaire. Plus tard, Pierquin devint célèbre par sa réponse au commandant du camp de Saint-Omer qui l’avait prié d’assister à une fête militaire, et qui fut ainsi conçue : M. Pierquin-Claës de Molina-Nourho, maire de la ville de Douai, chevalier de la Légion d’honneur, aura celui de se rendre, etc.

Marguerite accepta l’assistance du notaire, mais seulement dans tout ce qui concernait sa profession, afin de ne compromettre en rien ni sa dignité de femme, ni l’avenir de sa sœur, ni les déterminations de son père. Ce jour même elle confia sa sœur à la garde de Josette et de Martha, qui se vouèrent corps et âme à leur jeune maîtresse, en en secondant les plans d’économie. Marguerite partit aussitôt pour Waignies où elle commença ses opérations qui furent savamment dirigées par Pierquin. Le dévouement s’était chiffré dans l’esprit du notaire comme une excellente spéculation, ses soins, ses peines furent alors en quelque sorte une mise de fonds qu’il ne voulut point épargner.

D’abord, il tenta d’éviter à Marguerite la peine de faire défricher et de labourer les terres destinées aux fermes. Il avisa trois jeunes fils de fermiers riches qui désiraient s’établir, il les séduisit par la perspective que leur offrait la richesse de ces terrains, et réussit à leur faire prendre à bail les trois fermes qui allaient être construites. Moyennant l’abandon du prix de la ferme pendant trois ans, les fermiers s’engagèrent à en donner dix mille francs de loyer à la quatrième année, douze mille à la sixième, et quinze mille pendant le reste du bail ; à creuser les fossés, faire les plantations et acheter les bestiaux. Pendant que les fermes se bâtirent, les fermiers vinrent défricher leurs terres.

Quatre ans après le départ de Balthazar, Marguerite avait déjà presque