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— Mais, chère cousine, dit le notaire stupéfait de cette entente des affaires et de la froide raison de Marguerite, il vous faut plus de deux cent mille francs pour défricher vos terrains, bâtir vos fermes et acheter des bestiaux. Où prendrez-vous cette somme ?

— Là commencent les embarras, dit-elle en regardant alternativement le notaire et M. de Solis, je n’ose les demander à mon oncle qui a déjà fait le cautionnement de mon père !

— Vous avez des amis ! » s’écria Pierquin en voyant tout à coup que les demoiselles Claës seraient encore des filles de cinq cent mille francs.

Emmanuel de Solis regarda Marguerite avec attendrissement ; mais, malheureusement pour lui, Pierquin resta notaire au milieu de son enthousiasme et reprit ainsi : « Moi, je vous les offre, ces deux cent mille francs ! » Emmanuel et Marguerite se consultèrent par un regard qui fut un trait de lumière pour Pierquin.

Félicie rougit excessivement, tant elle était heureuse de trouver son cousin aussi généreux qu’elle le souhaitait. Elle regarda sa sœur qui, tout à coup, devina que pendant l’absence qu’elle avait faite, la pauvre fille s’était laissé prendre à quelques banales galanteries de Pierquin.

« Vous ne me paierez que cinq pour cent d’intérêt, dit-il. Vous me rembourserez quand vous voudrez, et vous me donnerez une hypothèque sur vos terrains. Mais soyez tranquille, vous n’aurez que les déboursés à payer pour tous vos contrats, je vous trouverai de bons fermiers, et ferai vos affaires gratuitement afin de vous aider en bon parent. » Emmanuel fit un signe à Marguerite pour l’engager à refuser, mais elle était trop occupée à étudier les changements qui nuançaient la physionomie de sa sœur pour s’en apercevoir. Après une pause, elle regarda le notaire d’un air ironique et lui dit d’elle-même, à la grande joie de M. de Solis : « Vous êtes un bien bon parent, je n’attendais pas moins de vous ; mais l’intérêt à cinq pour cent retarderait trop notre libération, j’attendrai la majorité de mon frère et nous vendrons ses rentes. » Pierquin se mordit les lèvres, Emmanuel se mit à sourire doucement.

« Félicie, ma chère enfant, reconduis Jean au collège, Martha raccompagnera », dit Marguerite en montrant son frère. « Jean, mon ange, sois bien sage, ne déchire pas tes habits, nous ne sommes