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des difficultés inouïes, j’y reviens avec quelques chances de salut pour nous tous. Grâce à votre nom, à l’influence de notre oncle et aux protections de M. de Solis, nous avons obtenu, pour vous, une place de receveur des finances en Bretagne ; elle vaut, dit-on, dix-huit à vingt mille francs par an. Notre oncle a fait le cautionnement. ─ Voici votre nomination, dit-elle en tirant une lettre de son sac. Votre séjour ici, pendant nos années de privations et de sacrifices, serait intolérable. Notre père doit rester dans une situation au moins égale à celle où il a toujours vécu. Je ne vous demanderai rien sur vos revenus, vous les emploierez comme bon vous semblera. Je vous supplie seulement de songer que nous n’avons pas un sou de rente, et que nous vivrons tous avec ce que Gustave nous donnera sur ses revenus. La ville ne saura rien de cette vie claustrale. Si vous étiez chez vous, vous seriez un obstacle aux moyens que nous emploierons, ma sœur et moi, pour tâcher d’y rétablir l’aisance. Est-ce abuser de l’autorité que vous m’avez donnée que de vous mettre dans une position à refaire vous-même votre fortune ? dans quelques années, si vous le voulez, vous serez receveur général.

— Ainsi, Marguerite, dit doucement Balthazar, tu me chasses de ma maison.

— Je ne mérite pas un reproche si dur, répondit la fille en comprimant les mouvements tumultueux de son cœur. Vous reviendrez parmi nous lorsque vous pourrez habiter votre ville natale comme il vous convient d’y paraître. D’ailleurs, mon père, n’ai-je point votre parole ? reprit-elle froidement.

Vous devez m’obéir. Mon oncle est resté pour vous emmener en Bretagne, afin que vous ne fissiez pas seul le voyage.

— Je n’irai pas, s’écria Balthazar en se levant, je n’ai besoin du secours de personne pour rétablir ma fortune et payer ce que je dois à mes enfants.

— Ce sera mieux, reprit Marguerite sans s’émouvoir. Je vous prierai de réfléchir à notre situation respective que je vais vous expliquer en peu de mots. Si vous restez dans cette maison, vos enfants en sortiront, afin de vous en laisser le maître.

— Marguerite ! cria Balthazar.

— Puis, dit-elle en continuant sans vouloir remarquer l’irritation de son père, il faut instruire le ministre de votre refus, si vous n’acceptez pas une place lucrative et honorable que, malgré