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réclamerai seulement l’exécution de votre parole, elle doit être sacrée, vous êtes un Claës. Vos enfants vous entoureront d’amour et de respect ; mais d’aujourd’hui vous m’appartenez, et me devez obéissance. Soyez sans inquiétude, mon règne sera doux, et je travaillerai même à le faire promptement finir.

J’emmène Martha, je vous quitte pour un mois environ, et pour m’occuper de vous ; car, dit-elle en le baisant au front, vous êtes mon enfant.

Demain, Félicie conduira donc la maison. La pauvre enfant n’a que dix-sept ans elle ne saurait pas vous résister ; soyez généreux, ne lui demandez pas un sou, car elle n’aura que ce qu’il lui faut strictement pour les dépenses de la maison. Ayez du courage, renoncez pendant deux ou trois années à vos travaux et à vos pensées. Le problème mûrira, je vous aurai amassé l’argent nécessaire pour le résoudre et vous le résoudrez. Hé bien, votre reine n’est-elle pas clémente, dites ?

— Tout n’est donc pas perdu, dit le vieillard.

— Non, si vous êtes fidèle à votre parole.

— Je vous obéirai, ma fille », répondit Claës avec une émotion profonde.

Le lendemain, M. Conyncks de Cambrai vint chercher sa petite-nièce. Il était en voiture de voyage, et ne voulut rester chez son cousin que le temps nécessaire à Marguerite et à Martha pour faire leurs apprêts. M. Claës reçut son cousin avec affabilité, mais il était visiblement triste et humilié.

Le vieux Conyncks devina les pensées de Balthazar, et, en déjeunant, il lui dit avec une grosse franchise : « J’ai quelques-uns de vos tableaux, cousin, j’ai le goût des beaux tableaux, c’est une passion ruineuse ; mais, nous avons tous notre folie…

— Cher oncle ! dit Marguerite.

— Vous passez pour être ruiné, cousin, mais un Claës a toujours des trésors là, dit-il en se frappant le front. Et là, n’est-ce pas ? ajouta-t-il en montrant son cœur. Aussi compté-je sur vous ! J’ai trouvé dans mon escarcelle quelques écus que j’ai mis à votre service.

— Ah ! s’écria Balthazar, je vous rendrai des trésors…

— Les seuls trésors que nous possédions en Flandre, cousin, c’est la patience et le travail, répondit sévèrement Conyncks. Notre ancien a ces deux mots gravés sur le front », dit-il en lui montrant le portrait du président Van Claës.