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vous et de vos cohéritiers. M. Claës n’a que des enfants mineurs, il est tenu de faire un inventaire dans les quarante-cinq jours qui suivent le décès de sa femme, afin de constater les valeurs de la communauté.

Ne faut-il pas savoir si elle est bonne ou mauvaise, pour l’accepter ou pour s’en tenir aux droits purs et simples des mineurs. » Marguerite se leva.

« Restez, ma cousine, dit Pierquin, ces affaires vous concernent vous et votre père. Vous savez combien je prends part à vos chagrins ; mais il faut vous occuper aujourd’hui même de ces détails, sans quoi vous pourriez, les uns et les autres, vous en trouver fort mal ! Je fais en ce moment mon devoir comme notaire de la famille.

— Il a raison, dit Claës.

— Le délai expire dans deux jours, reprit le notaire, je dois donc procéder, dès demain, à l’ouverture de l’inventaire, quand ce ne serait que pour retarder le paiement des droits de succession que le fisc va venir vous demander, le fisc n’a pas de cœur, il ne s’inquiète pas des sentiments, il met sa griffe sur nous en tout temps. Donc, tous les jours, depuis dix heures jusqu’à quatre heures, mon clerc et moi, nous viendrons avec l’huissier priseur, M. Raparlier. Quand nous aurons achevé en ville, nous irons à la campagne. Quant à la forêt de Waignies, nous allons en causer. Cela posé, passons à un autre point. Nous avons un conseil de famille à convoquer, pour nommer un subrogé tuteur. M. Conyncks de Bruges est aujourd’hui votre plus proche parent ; mais le voilà devenu Belge ! Vous devriez, mon cousin, lui écrire à ce sujet, vous sauriez si le bonhomme a envie de se fixer en France où il possède de belles propriétés, et vous pourriez le décider ainsi à venir lui et sa fille habiter la Flandre française. S’il refuse, je verrai à composer le conseil, d’après les degrés de parenté.

— À quoi sert un inventaire, demanda Marguerite.

— À constater les droits, les valeurs, l’actif et le passif. Quand tout est bien établi, le conseil de famille prend dans l’intérêt des mineurs les déterminations qu’il juge…

— Pierquin, dit Claës qui se leva du banc, procédez aux actes que vous croirez nécessaires à la conservation des droits de mes enfants ; mais évitez-nous le chagrin de voir vendre ce qui appartenait à ma chère… » Il n’acheva pas, il avait dit ces mots d’un air si noble et d’un ton si pénétré, que Marguerite prit la main de son père et la baisa.