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pour contempler sa fille. L’heure des aveux était venue.

En conduisant la maison depuis la maladie de sa mère, Marguerite avait si bien réalisé les espérances de la mourante que Mme Claës jeta sur l’avenir de sa famille un coup d’œil sans désespoir, en se voyant revivre dans cet ange aimant et fort.

sans doute ces deux femmes pressentaient de mutuelles et tristes confidences à se faire, la fille regardait sa mère aussitôt que sa mère la regardait, et toutes deux roulaient des larmes dans leurs yeux. Plusieurs fois, Marguerite, au moment où Mme Claës se reposait, disait : « Ma mère ? » comme pour parler ; puis, elle s’arrêtait, comme suffoquée, sans que sa mère trop occupée par ses dernières pensées lui demandât compte de cette interrogation. Enfin, Mme Claës voulut cacheter sa lettre ; Marguerite, qui lui tenait une bougie, se retira par discrétion pour ne pas voir la suscription.

« Tu peux lire, mon enfant ! » lui dit sa mère d’un ton déchirant.

Marguerite vit sa mère traçant ces mots : À ma fille Marguerite.

« Nous causerons quand je me serai reposée », ajouta-t-elle en mettant la lettre sous son chevet.

Puis elle tomba sur son oreiller comme épuisée par l’effort qu’elle venait de faire et dormit durant quelques heures. Quand elle s’éveilla, ses deux filles, ses deux fils étaient à genoux devant son lit, et priaient avec ferveur. Ce jour était un jeudi.

Gabriel et Jean venaient d’arriver du collège, amenés par Emmanuel de solis, nommé depuis six mois professeur d’histoire et de philosophie.

« Chers enfants, il faut nous dire adieu, s’écria-t-elle. Vous ne m’abandonnez pas, vous ! et celui que… » Elle n’acheva pas.

« Monsieur Emmanuel, dit Marguerite en voyant pâlir sa mère, allez dire à mon père que maman se trouve plus mal. » Le jeune solis monta jusqu’au laboratoire, et après avoir obtenu de Lemulquinier que Balthazar vînt lui parler, celui-ci répondit à la demande pressante du jeune homme : « J’y vais. » « Mon ami, dit Mme Claës à Emmanuel quand il fut de retour, emmenez mes deux fils et allez chercher votre oncle. Il est nécessaire, je crois, de me donner les derniers sacrements, je voudrais les recevoir de sa main. » Quand elle se trouva seule avec ses deux filles, elle fit un signe à Marguerite qui, comprenant sa mère, renvoya Félicie.