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puis décontenancé par le retard qu’il mettait à répondre, il dit : « Je n’osais prononcer votre nom… » Et n’acheva pas.

« Professeur ! reprit-elle.

— Oh ! mademoiselle, je serai professeur pour avoir un état, mais j’entreprendrai des ouvrages qui pourront me rendre plus grandement utile. J’ai beaucoup de goût pour les travaux historiques.

— Ah ! » Ce ah ! plein de pensées secrètes, rendit le jeune homme encore plus honteux, et il se mit à rire niaisement en disant : « Vous me faites parler de moi, mademoiselle, quand je devrais ne vous parler que de vous.

— Ma mère et votre oncle ont terminé, je crois, leur conversation, dit-elle en regardant à travers les fenêtres dans le parloir.

— J’ai trouvé madame votre mère bien changée.

— Elle souffre, sans vouloir nous dire le sujet de ses souffrances, et nous ne pouvons que pâtir de ses douleurs. » Mme Claës venait de terminer en effet une consultation délicate, dans laquelle il s’agissait d’un cas de conscience, que l’abbé de Solis pouvait seul décider. Prévoyant une ruine complète, elle voulait retenir, à l’insu de Balthazar, qui se souciait peu de ses affaires, une somme considérable sur le prix des tableaux que M. de Solis se chargeait de vendre en Hollande, afin de la cacher et de la réserver pour le moment où la misère pèserait sur sa famille. Après une mûre délibération et après avoir apprécié les circonstances dans lesquelles se trouvait sa pénitente, le vieux dominicain avait approuvé cet acte de prudence. Il s’en alla pour s’occuper de cette vente qui devait se faire secrètement, afin de ne point trop nuire à la considération de M. Claës. Le vieillard envoya son neveu, muni d’une lettre de recommandation, à Amsterdam, où le jeune homme enchanté de rendre service à la Maison Claës réussit à vendre les tableaux de la galerie aux célèbres banquiers Happe et Duncker, pour une somme ostensible de quatre-vingt-cinq mille ducats de Hollande, et une somme de quinze mille autres qui serait secrètement donnée à Mme Claës. Les tableaux étaient si bien connus, qu’il suffisait pour accomplir le marché de la réponse de Balthazar à la lettre que la maison Happe et Duncker lui écrivit. Emmanuel de Solis fut chargé par Claës de recevoir le prix des tableaux qu’il lui expédia secrètement afin de