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Les parois étaient tapissées de cuir violet sur lequel avaient été imprimés, en traits d’or, des sujets de chasse.

Au-dessus des dressoirs, çà et là, brillaient soigneusement disposées des plumes d’oiseaux curieux et des coquillages rares. Les chaises n’avaient pas été changées depuis le commencement du seizième siècle et offraient cette forme carrée, ces colonnes torses, et ce petit dossier garni d’une étoffe à franges dont la mode fut si répandue que Raphaël l’a illustrée dans son tableau appelé la Vierge à la chaise. Le bois en était devenu noir, mais les clous dorés reluisaient comme s’ils eussent été neufs, et les étoffes soigneusement renouvelées étaient d’une couleur rouge admirable. La Flandre revivait là tout entière avec ses innovations espagnoles. Sur la table, les carafes, les flacons avaient cet air respectable que leur donnent les ventres arrondis du galbe antique. Les verres étaient bien ces vieux verres hauts sur patte qui se voient dans tous les tableaux de l’école hollandaise ou flamande. La vaisselle en grés et ornée de figures coloriées à la manière de Bernard de Palissy sortait de la fabrique anglaise de Wedgwood.

L’argenterie était massive, à pans carrés à bosses pleines, véritable argenterie de famille dont les pièces, toutes différentes de ciselure, de mode, de forme, attestaient les commencements du bien-être et les progrès de la fortune de Claës. Les serviettes avaient des franges, mode tout espagnole. Quant au linge, chacun doit penser que chez les Claës, le point d’honneur consistait à en posséder de magnifique. Ce service, cette argenterie étaient destinés à l’usage journalier de la famille. La maison de devant, où se donnaient les fêtes, avait son luxe particulier, dont les merveilles réservées pour les jours de gala leur imprimaient cette solennité qui n’existe plus quand les choses sont déconsidérées pour ainsi dire par un usage habituel. Dans le quartier de derrière, tout était marqué au coin d’une naïveté patriarcale. Enfin, détail délicieux, une vigne courait en dehors le long des fenêtres que les pampres bordaient de toutes parts.

« Vous restez fidèle aux traditions, madame, dit Pierquin en recevant une assiettée de cette soupe au thym, dans laquelle les cuisinières flamandes ou hollandaises mettent de petites boules de viandes roulées et mêlées à des tranches de pain grillé, voici le potage du dimanche en usage chez nos pères ! Votre maison et celle de mon oncle Des Raquets sont les seules où l’on retrouve cette soupe historique dans les Pays-Bas. Ah ! pardon, le vieux monsieur