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Catherine eût été déjà ridée, flétrie, ses couleurs autrefois vives seraient devenues fortes ; mais Paris, en la pâlissant, lui avait conservé sa beauté ; la maladie, les fatigues, les chagrins l’avaient douée des dons mystérieux de la mélancolie, de cette pensée intime qui manque aux pauvres campagnards habitués à une vie presque animale. Sa toilette, pleine de ce goût parisien que toutes les femmes, même les moins coquettes, contractent si promptement, la distinguait encore des paysannes. Dans l’ignorance où elle était de son sort, et incapable de juger madame Graslin, elle se montrait assez honteuse.

— Aimez-vous toujours Farrabesche ? lui demanda Véronique, que Grossetête avait laissée seule un instant.

— Oui, madame, répondit-elle en rougissant.

— Pourquoi, si vous lui avez envoyé mille francs pendant le temps qu’a duré sa peine, n’êtes-vous pas venue le retrouver à sa sortie ? Y a-t-il chez vous une répugnance pour lui ? parlez-moi comme à votre mère. Aviez-vous peur qu’il ne se fût tout à fait vicié, qu’il ne voulût plus de vous ?

— Non, madame ; mais je ne savais ni lire ni écrire, je servais une vieille dame très-exigeante, elle est tombée malade, on la veillait, j’ai dû la garder. Tout en calculant que le moment de la libération de Jacques approchait, je ne pouvais quitter Paris qu’après la mort de cette dame, qui ne m’a rien laissé, malgré mon dévouement à ses intérêts et à sa personne. Avant de revenir, j’ai voulu me guérir d’une maladie causée par les veilles et par le mal que je me suis donné. Après avoir mangé mes économies, j’ai dû me résoudre à entrer à l’hôpital Saint-Louis, d’où je sors guérie.

— Bien, mon enfant, dit madame Graslin émue de cette explication si simple. Mais dites-moi maintenant pourquoi vous avez abandonné vos parents brusquement, pourquoi vous avez laissé votre enfant, pourquoi vous n’avez pas donné de vos nouvelles, ou fait écrire…

Pour toute réponse, Catherine pleura.

— Madame, dit-elle rassurée par un serrement de main de Véronique, je ne sais si j’ai eu tort, mais il a été au-dessus de mes forces de rester dans le pays. Je n’ai pas douté de moi, mais des autres, j’ai eu peur des bavardages, des caquets. Tant que Jacques courait ici des dangers, je lui étais nécessaire, mais lui parti, je me suis sentie sans force : être fille avec un enfant, et pas de mari ! La plus