Page:Balzac - Œuvres complètes, éd. Houssiaux, 1874, tome 13.djvu/676

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

devraient pas avoir faites ces grands-prêtres du Sort ? Les connaissances mathématiques ne leur sont peut-être pas aussi nécessaires que les connaissances physiologiques. Ne vous semble-t-il pas qu’il faille un peu de cette seconde vue qui est la sorcellerie des grands Hommes ? Les Examinateurs sont d’anciens professeurs, des hommes honorables, vieillis dans le travail, dont la mission se borne à chercher les meilleures mémoires : ils ne peuvent rien faire que ce qu’on leur demande. Certes, leurs fonctions devraient être les plus grandes de l’État, et veulent des hommes extraordinaires. Ne pensez pas, monsieur et ami, que mon blâme s’arrête uniquement à l’École de laquelle je sors, il ne frappe pas seulement sur l’Institution en elle-même, mais encore et surtout sur le mode employé pour l’alimenter. Ce mode est celui du Concours, invention moderne, essentiellement mauvaise, et mauvaise non-seulement dans la Science, mais encore partout où elle s’emploie, dans les Arts, dans toute élection d’hommes, de projets ou de choses. S’il est malheureux pour nos célèbres Écoles de n’avoir pas plus produit de gens supérieurs, que toute autre réunion de jeunes gens en eût donnés, il est encore plus honteux que les premiers grands prix de l’Institut n’aient fourni ni un grand peintre, ni un grand musicien, ni un grand architecte, ni un grand sculpteur ; de même que, depuis vingt ans, l’Élection n’a pas, dans sa marée de médiocrités, amené au pouvoir un seul grand homme d’État. Mon observation porte sur une erreur qui vicie, en France, et l’éducation et la politique. Cette cruelle erreur repose sur le principe suivant que les organisateurs ont méconnu :

« Rien, ni dans l’expérience, ni dans la nature des choses ne peut donner la certitude que les qualités intellectuelles de l’adulte seront celles de l’homme fait.

« En ce moment, je suis lié avec plusieurs hommes distingués qui se sont occupés de toutes les maladies morales par lesquelles la France est dévorée. Ils ont reconnu, comme moi, que l’Instruction supérieure fabrique des capacités temporaires parce qu’elles sont sans emploi ni avenir ; que les lumières répandues par l’Instruction inférieure sont sans profit pour l’État, parce qu’elles sont dénuées de croyance et de sentiment. Tout notre système d’Instruction Publique exige un vaste remaniement auquel devra présider un homme d’un profond savoir, d’une vol-