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Maurice Champion, plut à Véronique et fut aussitôt mis en fonctions. Il devait accompagner sa maîtresse dans ses excursions et avoir soin des chevaux de selle.

Le garde général de Montégnac était un ancien maréchal des logis de la garde royale, né à Limoges, et que monsieur le duc de Navarreins avait envoyé d’une de ses terres à Montégnac pour en étudier la valeur et lui transmettre des renseignements, afin de savoir quel parti on en pouvait tirer. Jérôme Colorat n’y vit que des terres incultes et infertiles, des bois inexploitables à cause de la difficulté des transports, un château en ruines, et d’énormes dépenses à faire pour y rétablir une habitation et des jardins. Effrayé surtout des clairières semées de roches granitiques qui nuançaient de loin cette immense forêt, ce probe mais inintelligent serviteur fut la cause de la vente de ce bien.

— Colorat, dit madame Graslin à son garde qu’elle fit venir, à compter de demain, je monterai vraisemblablement à cheval tous les matins. Vous devez connaître les différentes parties de terres qui dépendent de ce domaine et celles que monsieur Graslin y a réunies, vous me les indiquerez, je veux tout visiter par moi-même.

Les habitants du château apprirent avec joie le changement qui s’opérait dans la conduite de Véronique. Sans en avoir reçu l’ordre, Aline chercha, d’elle-même, la vieille amazone noire de sa maîtresse, et la mit en état de servir. Le lendemain, la Sauviat vit avec un indicible plaisir sa fille habillée pour monter à cheval. Guidée par son garde et par Champion qui allèrent en consultant leurs souvenirs, car les sentiers étaient à peine tracés dans ces montagnes inhabitées, madame Graslin se donna pour tâche de parcourir seulement les cimes sur lesquelles s’étendaient ses bois, afin d’en connaître les versants et de se familiariser avec les ravins, chemins naturels qui déchiraient cette longue arête. Elle voulait mesurer sa tâche, étudier la nature des courants et trouver les éléments de l’entreprise signalée par le curé. Elle suivait Colorat qui marchait en avant et Champion allait à quelques pas d’elle.

Tant qu’elle chemina dans des parties pleines d’arbres, en montant et descendant tour à tour ces ondulations de terrain si rapprochées dans les montagnes en France, Véronique fut préoccupée par les merveilles de la forêt. C’était des arbres séculaires dont les premiers l’étonnèrent et auxquels elle finit par s’habituer ; puis de hautes futaies naturelles, ou dans une clairière quelque