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dès à présent, la maison de mademoiselle de Verneuil, ce serait la mettre contre nous. Nous ne sommes pas, toi, moi, tes Contre-Chouans et tes deux bataillons, de force à lutter contre cette fille-là, si elle se met en tête de sauver son ci-devant. Ce garçon est homme de cour, et par conséquent rusé ; c’est un jeune homme, et il a du cœur. Nous ne pourrons jamais nous en emparer à son entrée à Fougères. Il s’y trouve d’ailleurs peut-être déjà. Faire des visites domiciliaires ? Absurdité ! Ça n’apprend rien, ça donne l’éveil, et ça tourmente les habitants.

— Je m’en vais, dit Hulot impatienté, donner au factionnaire du poste Saint-Léonard la consigne d’avancer sa promenade de trois pas de plus, et il arrivera ainsi en face de la maison de mademoiselle de Verneuil. Je conviendrai d’un signe avec chaque sentinelle, je me tiendrai au corps-de-garde, et quand on m’aura signalé l’entrée d’un jeune homme quelconque, je prends un caporal et quatre hommes, et…

— Et, reprit Corentin en interrompant l’impétueux soldat, si le jeune homme n’est pas le marquis, si le marquis n’entre pas par la porte, s’il est déjà chez mademoiselle de Verneuil, si, si…

Là, Corentin regarda le commandant avec un air de supériorité qui avait quelque chose de si insultant, que le vieux militaire s’écria : — Mille tonnerres de Dieu ! va te promener, citoyen de l’enfer. Est-ce que tout cela me regarde ? Si ce hanneton-là vient tomber dans un de mes corps-de-garde, il faudra bien que je le fusille ; si j’apprends qu’il est dans une maison, il faudra bien aussi que j’aille le cerner, le prendre et le fusiller ! Mais, du diable si je me creuse la cervelle pour mettre de la boue sur mon uniforme.

— Commandant, la lettre des trois ministres t’ordonne d’obéir à mademoiselle de Verneuil.

— Citoyen, qu’elle vienne elle-même, je verrai ce que j’aurai à faire.

— Eh ! bien, citoyen, répliqua Corentin avec hauteur, elle ne tardera pas. Elle te dira, elle-même, l’heure et le moment où le ci-devant sera entré. Peut-être, même, ne sera-t-elle tranquille que quand elle t’aura vu posant les sentinelles et cernant sa maison ?

— Le diable s’est fait homme, se dit douloureusement le vieux chef de demi-brigade en voyant Corentin qui remontait à grands pas l’escalier de la Reine où cette scène avait eu lieu et qui regagnait la porte Saint-Léonard. — Il me livrera le citoyen Montauran,