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compatriotes ; les six autres se dirigèrent, d’après ses ordres, dans les champs de droite, afin d’opérer les recherches de chaque côté des chemins. Gudin s’élança vivement vers un pommier qui se trouvait au milieu du genêt. Au bruissement produit par la marche des six Contre-Chouans qu’il conduisait à travers cette forêt de genêts en tâchant de ne pas en agiter les touffes givrées, sept ou huit hommes à la tête desquels était Beau-pied, se cachèrent derrière quelques châtaigniers par lesquels la haie de ce champ était couronnée. Malgré le reflet blanc qui éclairait la campagne et malgré leur vue exercée, les Fougerais n’aperçurent pas d’abord leurs adversaires qui s’étaient fait un rempart des arbres.

— Chut ! les voici, dit Beau-pied qui le premier leva la tête. Les brigands nous ont excédés, mais, puisque nous les avons au bout de nos fusils, ne les manquons pas, ou, nom d’une pipe ! nous ne serions pas susceptibles d’être soldats du pape !

Cependant les yeux perçants de Gudin avaient fini par découvrir quelques canons de fusil dirigés vers sa petite escouade. En ce moment, par une amère dérision, huit grosses voix crièrent qui vive ! et huit coups de fusil partirent aussitôt. Les balles sifflèrent autour des Contre-Chouans. L’un d’eux en reçut une dans le bras et un autre tomba. Les cinq Fougerais qui restaient sains et saufs ripostèrent par une décharge en répondant : — Amis ! Puis, ils marchèrent rapidement sur les ennemis, afin de les atteindre avant qu’ils n’eussent rechargé leurs armes.

— Nous ne savions pas si bien dire, s’écria le jeune sous-lieutenant en reconnaissant les uniformes et les vieux chapeaux de sa demi-brigade. Nous avons agi en vrais Bretons, nous nous sommes battus avant de nous expliquer.

Les huit soldats restèrent stupéfaits en reconnaissant Gudin.

— Dame ! mon officier, qui diable ne vous prendrait pas pour des brigands sous vos peaux de bique, s’écria douloureusement Beau-pied.

— C’est un malheur, et nous en sommes tous innocents, puisque vous n’étiez pas prévenus de la sortie de nos Contre-Chouans. Mais où en êtes-vous ? lui demanda Gudin.

— Mon officier, nous sommes à la recherche d’une douzaine de Chouans qui s’amusent à nous échiner. Nous courons comme des rats empoisonnés ; mais, à force de sauter ces échaliers et ces haies que le tonnerre confonde, nos compas s’étaient rouillés et nous