ne prouvait la sincérité de cet artificieux langage, elle ne se fit donc aucun scrupule de tromper son surveillant.
— Eh ! bien, répondit-elle, vous avez deviné, Corentin. Oui, j’aime le marquis ; mais je n’en suis pas aimée ! du moins je le crains ; aussi, le rendez-vous qu’il me donne me semble-t-il cacher quelque piége.
— Mais, répliqua Corentin, vous nous avez dit hier qu’il vous avait accompagnée jusqu’à Fougères… S’il eût voulu exercer des violences contre vous, vous ne seriez pas ici.
— Vous avez le cœur sec, Corentin. Vous pouvez établir de savantes combinaisons sur les événements de la vie humaine, et non sur ceux d’une passion. Voilà peut-être d’où vient la constante répugnance que vous m’inspirez. Puisque vous êtes si clairvoyant, cherchez à comprendre comment un homme de qui je me suis séparée violemment avant-hier, m’attend avec impatience aujourd’hui, sur la route de Mayenne, dans une maison de Florigny, vers le soir…
À cet aveu qui semblait échappé dans un emportement assez naturel à cette créature franche et passionnée, Corentin rougit, car il était encore jeune ; mais il jeta sur elle et à la dérobée un de ces regards perçants qui vont chercher l’âme. La naïveté de mademoiselle de Verneuil était si bien jouée qu’elle trompa l’espion, et il répondit avec une bonhomie factice : — Voulez-vous que je vous accompagne de loin ? j’aurais avec moi des soldats déguisés, et nous serions prêts à vous obéir.
— J’y consens, dit-elle ; mais promettez-moi, sur votre honneur… Oh ! non, je n’y crois pas ! par votre salut, mais vous ne croyez pas en Dieu ! par votre âme, vous n’en avez peut-être pas. Quelle assurance pouvez-vous donc me donner de votre fidélité ? Et je me fie à vous, cependant, et je remets en vos mains plus que ma vie, ou mon amour ou ma vengeance.
Le léger sourire qui apparut sur la figure blafarde de Corentin fit connaître à mademoiselle de Verneuil le danger qu’elle venait d’éviter. Le sbire, dont les narines se contractaient au lieu de se dilater, prit la main de sa victime, la baisa avec les marques du respect le plus profond, et la quitta en lui faisant un salut qui n’était pas dénué de grâce.
Trois heures après cette scène, mademoiselle de Verneuil, qui craignait le retour de Corentin, sortit furtivement par la porte Saint-Léonard, et gagna le petit sentier du Nid-aux-Crocs qui con-