d’abord pour les trépassés : Jean Cochegrue, Nicolas Laferté, Joseph Brouet, François Parquoi, Sulpice Coupiau, tous de cette paroisse et morts des blessures qu’ils ont reçues au combat de La Pèlerine et au siège de Fougères. De profundis, etc.
Ce psaume fut récité, suivant l’usage, par les assistants et par les prêtres, qui disaient alternativement un verset avec une ferveur de bon augure pour le succès de la prédication. Lorsque le psaume des morts fut achevé, l’abbé Gudin continua d’une voix dont la violence alla toujours en croissant, car l’ancien jésuite n’ignorait pas que la véhémence du débit était le plus puissant des arguments pour persuader ses sauvages auditeurs.
— Ces défenseurs de Dieu, chrétiens, vous ont donné l’exemple du devoir, dit-il. N’êtes-vous pas honteux de ce qu’on peut dire de vous dans le paradis ? Sans ces bienheureux qui ont dû y être reçus à bras ouverts par tous les saints, Notre-Seigneur pourrait croire que votre paroisse est habitée par des Mahumétisches !… Savez-vous, mes gars, ce qu’on dit de vous dans la Bretagne, et chez le roi ?… Vous ne le savez point, n’est-ce pas ? Je vais vous le dire — « Comment, les Bleus ont renversé les autels, ils ont tué les recteurs, ils ont assassiné le roi et la reine, ils veulent prendre tous les paroissiens de Bretagne pour en faire des Bleus comme eux et les envoyer se battre hors de leurs paroisses, dans des pays bien éloignés où l’on court le risque de mourir sans confession et d’aller ainsi pour l’éternité dans l’enfer, et les gars de Marignay, à qui l’on a brûlé leur église, sont restés les bras ballants ? Oh ! oh ! Cette République de damnés a vendu à l’encan les biens de Dieu et ceux des seigneurs, elle en a partagé le prix entre ses Bleus ; puis, pour se nourrir d’argent comme elle se nourrit de sang, elle vient de décréter de prendre trois livres sur les écus de six francs, comme elle veut emmener trois hommes sur six, et les gars de Marignay n’ont pas pris leurs fusils pour chasser les Bleus de Bretagne ? Ah ! ah !… le paradis leur sera refusé, et ils ne pourront jamais faire leur salut ! » Voilà ce qu’on dit de vous. C’est donc de votre salut, chrétiens, qu’il s’agit. C’est votre âme que vous sauverez en combattant pour la religion et pour le roi. Sainte Anne d’Auray elle-même m’est apparue avant-hier à deux heures et demie. Elle m’a dit comme je vous le dis : « Tu es un prêtre de Marignay ? — Oui, madame, prêt à vous servir. — Eh ! bien, je suis sainte Anne d’Auray, tante de Dieu, à la mode de Bretagne. Je