— Et après ? demanda le commandant en ayant l’air de réclamer le prisonnier.
— Oh ! libre, répondit-elle, il sera libre comme l’air.
— Il a cependant été pris les armes à la main.
— Non, dit-elle par une de ces plaisanteries sophistiques que les femmes se plaisent à opposer à une raison péremptoire, je l’avais désarmé. — Comte, dit-elle au gentilhomme en rentrant, je viens d’obtenir votre liberté ; mais rien pour rien, ajouta-t-elle en souriant et mettant sa tête de côté comme pour l’interroger.
— Demandez-moi tout, même mon nom et mon honneur ! s’écria-t-il dans son ivresse, je mets tout à vos pieds.
Et il s’avança pour lui saisir la main, en essayant de lui faire prendre ses désirs pour de la reconnaissance ; mais mademoiselle de Verneuil n’était pas fille à s’y méprendre. Aussi, tout en souriant de manière à donner quelque espérance à ce nouvel amant :
— Me feriez-vous repentir de ma confiance ? dit-elle en se reculant de quelques pas.
— L’imagination d’une jeune fille va plus vite que celle d’une femme, répondit-il en riant.
— Une jeune fille a plus à perdre que la femme.
— C’est vrai, l’on doit être défiant quand on porte un trésor.
— Quittons ce langage-là, reprit-elle, et parlons sérieusement. Vous donnez un bal à Saint-James. J’ai entendu dire que vous aviez établi là vos magasins, vos arsenaux et le siége de votre gouvernement. À quand le bal ?
— À demain soir.
— Vous ne vous étonnerez pas, monsieur, qu’une femme calomniée veuille, avec l’obstination d’une femme, obtenir une éclatante réparation des injures qu’elle a subies en présence de ceux qui en furent les témoins. J’irai donc à votre bal. Je vous demande de m’accorder votre protection du moment où j’y paraîtrai jusqu’au moment où j’en sortirai. — Je ne veux pas de votre parole, dit-elle en lui voyant se mettre la main sur le cœur. J’abhorre les serments, ils ont trop l’air d’une précaution. Dites-moi simplement que vous vous engagez à garantir ma personne de toute entreprise criminelle ou honteuse. Promettez-moi de réparer votre tort en proclamant que je suis bien la fille du duc de Verneuil, mais en taisant tous les malheurs que j’ai dus à un défaut de protection paternelle : nous serons quittes. Hé ! deux heures de pro-