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les Chouans incendiaient les faubourgs. Cependant les flammèches qui s’élevaient des toits de genêt ou de bardeau cessèrent bientôt, et quelques colonnes de fumée noire indiquèrent que l’incendie s’éteignait. Des nuages blancs et bruns dérobèrent encore une fois cette scène à mademoiselle de Verneuil, mais le vent dissipa bientôt ce brouillard de poudre. Déjà, le commandant républicain avait fait changer la direction de sa batterie de manière à pouvoir prendre successivement en file la vallée du Nançon, le sentier de la Reine et le rocher, quand du haut de la Promenade, il vit ses premiers ordres admirablement bien exécutés. Deux pièces placées au poste de la porte Saint-Léonard abattirent la fourmilière de Chouans qui s’étaient emparés de cette position ; tandis que les gardes nationaux de Fougères, accourus en hâte sur la place de l’Église, achevèrent de chasser l’ennemi.

Ce combat ne dura pas une demi-heure et ne coûta pas cent hommes aux Bleus. Déjà, dans toutes les directions, les Chouans battus et écrasés se retiraient d’après les ordres réitérés du Gars, dont le hardi coup de main échouait, sans qu’il le sût, par suite de l’affaire de la Vivetière qui avait si secrètement ramené Hulot à Fougères. L’artillerie n’y était arrivée que pendant cette nuit, car la seule nouvelle d’un transport de munitions aurait suffi pour faire abandonner par Montauran cette entreprise qui, éventée, ne pouvait avoir qu’une mauvaise issue. En effet, Hulot désirait autant donner une leçon sévère au Gars, que le Gars pouvait souhaiter de réussir dans sa pointe pour influer sur les déterminations du premier Consul. Au premier coup de canon, le marquis comprit donc qu’il y aurait de la folie à poursuivre par amour-propre une surprise manquée. Aussi, pour ne pas faire tuer inutilement ses Chouans, se hâta-t-il d’envoyer sept ou huit émissaires porter des instructions pour opérer promptement la retraite sur tous les points. Le commandant, ayant aperçu son adversaire entouré d’un nombreux conseil au milieu duquel était madame du Gua, essaya de tirer sur eux une volée sur le rocher de Saint-Sulpice ; mais la place avait été trop habilement choisie pour que le jeune chef n’y fût pas en sûreté. Hulot changea de rôle tout à coup, et d’attaqué devint agresseur. Aux premiers mouvements qui indiquèrent les intentions du marquis, la compagnie placée sous les murs du château se mit en devoir de couper la retraite aux Chouans en s’emparant des issues supérieures de la vallée du Nançon.