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Jacques Collin, reprit-il en examinant les yeux, la coupe du front et les oreilles… Il y a des choses qu’on ne peut pas déguiser… C’est parfaitement lui, monsieur Camusot… Jacques a la cicatrice d’un coup de couteau dans le bras gauche, faites-lui ôter sa redingote, vous allez la voir…

De nouveau, Jacques Collin fut obligé de se dépouiller de sa redingote, Bibi-Lupin retroussa la manche de la chemise et montra la cicatrice indiquée.

— C’est une balle, répondit don Carlos Herrera, voici bien d’autres cicatrices.

— Ah ! c’est bien sa voix ! s’écria Bibi-Lupin.

— Votre certitude, dit le juge, est un simple renseignement, ce n’est pas une preuve.

— Je le sais, répondit humblement Bibi-Lupin ; mais je vous trouverai des témoins. Déjà l’une des pensionnaires de la Maison-Vauquer est là… dit-il en regardant Collin.

La figure placide que se faisait Collin ne vacilla pas.

— Faites entrer cette personne, dit péremptoirement monsieur Camusot dont le mécontentement perça, malgré son apparente indifférence.

Ce mouvement fut remarqué par Jacques Collin qui comptait peu sur la sympathie de son juge d’instruction, et il tomba dans une apathie produite par la violente méditation à laquelle il se livra pour en rechercher la cause. L’huissier introduisit madame Poiret dont la vue inopinée occasionna chez le forçat un léger tremblement, mais cette trépidation ne fut pas observée par le juge dont le parti semblait pris.

— Comment vous nommez-vous ? demanda le juge en procédant à l’accomplissement des formalités qui commencent toutes les dépositions et les interrogatoires.

Madame Poiret, petite vieille blanche et ridée comme ris de veau, vêtue d’une robe de soie gros-bleu, déclara se nommer Christine-Michelle Michonneau, épouse du sieur Poiret, être âgée de cinquante et un ans, être née à Paris, demeurer rue des Poules au coin de la rue des Postes, et avoir pour état celui de logeuse en garni.

— Vous avez habité, madame, dit le juge, une pension bourgeoise en 1818 et 1819, tenue par une dame Vauquer.

— Oui, monsieur, c’est là que je fis la connaissance de mon-