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après, quelques préoccupations me prirent tout entier, et ce ne fut qu’au bout de quinze jours que, ne voyant plus Mongenod, je vins un matin de la Croix-Rouge, où je demeurais alors, rue des Moineaux, où il demeurait. Mongenod logeait dans une maison garnie du dernier ordre, mais dont la maîtresse était une fort honnête femme, la veuve d’un fermier-général mort sur l’échafaud, et qui, complétement ruinée, commençait avec quelques louis le chanceux métier de locataire principal. Elle a eu depuis sept maisons dans le quartier Saint-Roch, et a fait fortune. — Le citoyen Mongenod n’y est pas, mais il y a du monde, me dit cette dame. Le dernier mot excite ma curiosité. Je monte au cinquième étage. Une charmante personne vient m’ouvrir la porte !… Oh ! mais une jeune personne de la plus grande beauté, qui, d’un air assez soupçonneux, resta sur le seuil de la porte entrebâillée. — Je suis Alain, l’ami de Mongenod, dis-je. Aussitôt la porte s’ouvre, et j’entre dans un affreux galetas, où cette jeune personne maintenait néanmoins une grande propreté, Elle m’avance une chaise devant une cheminée pleine de cendres, sans feu, et dans un coin de laquelle j’aperçois un vulgaire réchaud en terre. On gelait. — Je suis bien heureuse, monsieur, me dit-elle en me prenant les mains et en me les serrant avec affection, d’avoir pu vous témoigner ma reconnaissance, car vous êtes notre sauveur. Sans vous, peut-être n’aurais-je jamais revu Mongenod… Il se serait… quoi ?… jeté à la rivière. Il était au désespoir quand il est parti pour vous aller voir… En examinant cette jeune personne, je fus assez étonné de lui voir sur la tête un foulard, et sous le foulard, derrière la tête et le long des tempes, une ombre noire ; mais, à force de regarder, je découvris qu’elle avait la tête rasée. — Êtes-vous malade ? dis-je en regardant cette singularité. Elle jeta un coup d’œil dans la mauvaise glace d’un trumeau crasseux, se mit à rougir, puis des larmes lui vinrent aux yeux. — Oui, monsieur, reprit elle vivement, j’avais d’horribles douleurs de tête, j’ai été forcée de faire raser mes beaux cheveux qui me tombaient aux talons. — Est-ce à madame Mongenod que j’ai l’honneur de parler ? dis-je. — Oui, monsieur, me répondit-elle en me lançant un regard vraiment céleste. Je saluai cette pauvre petite femme, je descendis dans l’intention de faire causer l’hôtesse, mais elle était sortie. Il me semblait que cette jeune femme avait dû vendre ses cheveux pour avoir du pain. J’allai de ce pas chez un marchand de bois, et j’envoyai une demi-voie